vendredi 30 septembre 2011

Le monde est bien fait

Pierre Pestieau

Imaginons un monde où le grand architecte aurait décide de faire vivre les pauvres plus longtemps que les riches, croyant ainsi introduire une légère touche d’équité dans son grand œuvre. De ce fait, on trouverait beaucoup moins de riches dans les classes d’âge avancé. Le taux de pauvreté y serait encore plus élevé que ce qu’il est aujourd’hui. Les riches vivant des vies extrêmement courtes lègueraient leur patrimoine à leurs enfants à un rythme plus soutenu qu’aujourd’hui donnant lieu à une concentration de la richesse plus élevée encore que ce que l’on observe. On pourrait déduire de ce petit raisonnement que le monde est bien fait avec des pauvres qui ont une vie courte et des riches qui ont une vie longue. Cela nous donne une société où somme toute il n’y a pas beaucoup de pauvres dans les classes d’âge avancé, ce qui aurait été choquant.

Dans une étude récente, nous avons essayé de voir quel serait en Belgique le taux de pauvreté des personnes âgées si elles avaient toutes la même longévité (1). Il serait plus élevé. Dans un pays comme le notre les riches vivent plus longtemps que les pauvres, les femmes plus longtemps que les hommes et les Flamands plus longtemps que les Wallons. Un homme wallon et pauvre a une longévité nettement plus faible qu’une femme flamande et riche.

Les conséquences de ces différences sur la pauvreté dans le troisième âge ne sont pas négligeables. Sans ces différences, le taux de pauvreté en Wallonie serait plus élevé et le taux de pauvreté des femmes dans les deux régions serait plus faible. Sur ce seul plan (il en existe heureusement d’autres), la Wallonie paraît moins pauvre qu’elle ne serait sans ces différences de longévité. Autre avantage de cette faible longévité pour les Wallons, moins de pensions à financer. Le monde est décidément bien fait.

(1) Lefebvre, M., P. Pestieau et G. Ponthière, Pauvreté et mortalité différentielle chez les personnes âgées, CREPP WP-2011/09 http://www2.ulg.ac.be/crepp/papers/crepp-wp201109.pdf

1 commentaire:

  1. Dans l'entre-deux-guerres, les syndicats s'étaient opposés à une pension obligatoire. Comme l'espérance de vie des ouvriers était courte, ils n'en auraient pas bénéficié et auraient cotisé pour les riches. C'était disait-on "la pension pour les morts". A présent, l'augmentation de l'espérance de vie, en raison de l'amélioration des conditions de vie et de travail, permet aux pauvres aussi d'en bénéficier. Mais voilà, l'ordre naturel étant bouleversé, il faudrait allonger l'âge de la retraite pour financer les pensions. Travailler plus longtemps détériorerait les conditions de vie des pauvres et leur espérance de vie serait raccourcie. Ainsi le retour à l'équilibre naturel rétablirait l'équilibre financier. Il suffit d'augmenter l'âge de la retraite pour que les pauvres vivent moins longtemps et que les pensions des riches ne soient plus entravées.
    Mateo

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