vendredi 16 septembre 2011

Niche, oh ma niche (1)

Pierre Pestieau

« Il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable ». Cette remarquable maxime est d’Allais, l’humoriste et non pas l’économiste, Prix Nobel 1988. Le premier se prénommait Alphonse et le second Maurice. La maxime résume l’esprit qui devrait animer toute bonne réforme fiscale. Au cours de ces dernières années, les Français ont redécouvert deux idées qui sont aussi vieilles que les Finances publiques : la nécessité d’utiliser l’argent public le plus efficacement possible et l’urgence de réduire les niches fiscales. Paradoxalement tout en redécouvrant ces deux idées ils continuaient de créer de nouvelles niches fiscale et de ne pas utiliser l’argent des contribuables avec parcimonie.

Un des grands principes des finances publiques est que l’impôt doit être équitable horizontalement et verticalement. La première équité implique que des personnes ayant les mêmes ressources et les mêmes besoins contribuent également aux finances publiques. Au nom de l’équité verticale, celui qui a plus doit contribuer davantage. La multiplication des niches fiscales, que les économistes appellent « dépenses fiscales » parce qu’elles coûtent au Trésor public autant que les dépenses traditionnelles, compromet ces deux sortes d’équité. En effet, elles favorisent certains types de revenus, de dépenses ou d’épargne, ce qui veut dire qu’elles avantagent certains contribuables au détriment d’autres qui de ce fait voient la pression fiscale augmenter. Car là est le problème. La multiplication des niches fiscales a pour effet de réduire la base de l’impôt et comme les besoins de l’Etat vont rarement en diminuant, cela implique une hausse des taux d’imposition pour ceux qui ne bénéficient pas de cette manne fiscale, le plus souvent ressentie comme arbitraire.

Ces derniers mois le gouvernement français a donné l’impression de s’attaquer sérieusement à ces niches fiscales avec l’espoir de combler une partie de ses déficits. Il était aidé en cela par un rapport officiel qui montrait qu’une partie des niches étaient inefficaces : elles ne remplissaient pas les objectifs pour lesquelles elles avaient étaient conçues. Un exemple de niche souvent cité qui se retrouve en Belgique est celui des « chèques services » censés réduire l’informalité dans le travail domestique et qui en définitive auraient pour seul effet d’aider les classes aisées.

Avant même que la liste des niches qui allaient être supprimées ou amendées ne soit arrêtée, qu’il s’agisse des plus-values immobilières, de la TVA sur les parcs à thème, de la taxe sur les sodas, on a vu se déchaîner de puissants lobbys, relayés par des élus au sein même de la majorité, contraignant le gouvernement à revoir sa copie. Paradoxalement, c'est la mesure qui devait rapporter le moins, la hausse de la TVA sur les billets d'entrée dans les parcs à thèmes qui a provoqué le plus grand désordre au sein de la majorité. L’ancien premier ministre
Jean-Pierre Raffarin, sénateur du département du Futuroscope a ainsi obtenu l'abandon définitif de cette hausse de TVA. A l’occasion de cette passe d’armes, on s’est aperçu que les niches étaient nombreuses et que leur solidité n’avait rien à voir avec leur coût ou leur efficacité mais avec la puissance du lobby qui se cache derrière chacune d’elle. Cette constatation est plutôt déprimante. Elle conduit à une simple conclusion : il faut supprimer toutes les niches. Cela demandera du courage car si on fait le compte, la plupart d’entre nous avons une niche sous laquelle nous abriter. Le plus souvent ce sont de très petites niches. Mais pour sauvegarder sa petite niche on fait le jeu de ceux qui jouissent de niches pharaoniques. En supprimant toutes les niches, on rend le système fiscal plus transparent et plus efficace. Et si vraiment telle catégorie de citoyens doit être aidée, faisons le ouvertement.

(1) Les anciens ont reconnu le clin d’oeil à une chanson presque quinquagénaire interprétée en français par Frank (et non pas Fort) Alamo et qui en anglais porte le nom évocateur de « Sweets for my sweety ».

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