vendredi 2 décembre 2011

Sept milliards de Terriens, et moi, et moi, et moi...

Pierre Pestieau

Depuis le 30 octobre 2011, nous sommes 7 milliards sur terre. Et ce nombre ne cesse d’augmenter avec 402 000 naissances pour 170 000 décès par jour. Est-ce trop ou trop peu ? Une question difficile. Dans les années 1930, la démographie s’interrogeait sur le concept de population optimale. Elle était alors centrée sur l’Europe et plaidait pour l’eugénisme. On est heureusement loin de cette période sombre. L’Europe ne compte plus que pour un 1/14ème de la population mondiale et son importance démographique ne cesse de décliner. Le passage à 7 milliards a entraîné dans la presse une série de commentaires dont la pertinence était parfois douteuse. Voici quelques exemples de réflexions que ces commentaires suscitent. On verra qu’en démographie les exemples et les contrexemples coexistent joyeusement.

Le monde est surpeuplé

Sans doute, mais comment définir une population optimale ? En fonction des ressources disponibles? Au début du siècle dernier, la terre comptait 1,6 milliard d’habitants. En un siècle, les prix des principales denrées alimentaires n’ont cessé de baisser. Ceci dit, on sait que physiquement la terre ne pourrait supporter ces 7 milliards si chacun d’eux vivait comme le Belge ou le Français moyen.

Une enquête récente menée au Pays Bas (1) révèle que nos voisins du nord ont une vision de la population optimale assez singulière mais qui n’est sans doute pas très différente de la nôtre. En bref ils trouvent que la terre est trop peuplée mais pas les Pays Bas et encore moins la collectivité urbaine dans laquelle ils vivent. C’est un manifestation du classique NIMBY (not in my backyard/ pas dans mon jardin). Cela rappelle le propos de Michel Debré qui se disait favorable au contrôle des naissances pour l’Ile de la Réunion (dont il était le député) mais pas pour la France métropolitaine.

Une croissance démographique rapide contribue à maintenir les pays pauvres dans leur pauvreté

La Corée du sud et Taiwan ont connu de 1960 a 1980 une explosion démographique de 50%, accompagnée d’une économie florissante (croissance annuelle de 7%). Au cours du siècle dernier, le revenu par tête y a quintuplé alors que la population quadruplait sur l’ensemble de la planète.

Force est cependant d’admettre qu’aujourd’hui la population croît le plus dans les pays les plus pauvres.

La politique de l’enfant unique explique le miracle chinois

Il existe en effet une corrélation entre les deux réalités. De là à y voir une relation de cause à effet, il y a un pas qu’il faut éviter de franchir, et ce d’autant plus que cette politique va entraîner en Chine un phénomène de vieillissement sans précédent, et le problème du financement des retraites qui ne manquera pas de suivre. Ella a aussi créé un surplus d’hommes qui ne pourront pas se marier (2). Ajoutons qu’à y regarder de près, l’évolution de la fécondité en Chine n’est pas différente de celle des autres pays de la région qui n’ont pourtant pas suivi la même politique antinataliste.

Là où la population décroît, l’économie décline

Ici aussi les contrexemples sont aussi nombreux que les exemples. L’Irlande a vu sa population passer de 8,3 à 2,9 millions pendant la période 1840-1960. Pendant cette même période le revenu par tête y a plus que triplé. La Bulgarie et l’Estonie viennent de connaître une baisse de leur population de plus de 20% depuis la chute du Rideau de Fer et leur richesse a augmenté de plus de 50%. L’économie allemande est bien plus dynamique que l’économie française, alors que la population allemande décline.

La population mondiale comptera 10 milliards d’habitants à la fin du siècle

Rien n’est moins certain. Ce chiffre provient d’une extrapolation simpliste qui peut être infirmée. Il représente la prévision moyenne des Nations Unies. Selon la prévision élevée, la population dépasserait les 15 milliards et selon la prévision basse, elle tomberait à 6,2 milliards.

Même si la démographie se prête à des prédictions plus robustes que l’économie, la prudence s’impose dès lors que l’on dépasse le terme d’une génération, soit une trentaine d’années. Ajoutons pour conclure, et c’est d’une certaine manière rassurant, qu’il est difficile d’expliquer les variations de fécondité et encore plus difficile pour un gouvernement de la contrôler comme il peut contrôler la fiscalité ou la masse monétaire (et encore). On a coutume d’expliquer les rares exemples de fécondité élevée en Europe par des facteurs aussitôt remis en cause : la politique familiale pour la France, la religion catholique pour l’Irlande et les crèches pour la Suède.

(1).Voir http://voxeu.org/index.php?q=node/7179

(2). Alors qu'en l'absence de discrimination, il naît 105 garçons pour 100 femmes, il naît aujourd'hui 117 garçons pour 100 filles en Chine et 111 en Inde. Cet écart s'explique par les avortements sélectifs, les infanticides et le manque de soins dont sont victimes les filles.

1 commentaire:

  1. "Là où la population décroît, l’économie décline"

    Merci pour votre billet. N'est-ce pas aussi simpliste de contredire cette affirmation à l'aide de contrexemples ? Et si l'on examinait cela plutôt sous un angle multi-factoriel: la décroissance de la population a un effet négatif sur l'économie mais cet effet peut être contrebalancé par d'autres facteurs économiques et politiques. Je ne pense pas que l'on puisse simplement à l'aide de contrexemples prouver une affirmation ou son contraire.

    Sinon, je suis entièrement d'accord avec vous sur la nature douteuse des affirmations concernant l'augmentation de la population mondiale. Un auteur en parle relativement souvent, c'est Georges Monbiot qui écrit régluièrement à ce sujet dans The Guardian. http://www.monbiot.com/

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