vendredi 3 février 2012

Notes de lecture III

Victor Ginsburgh

En écrivant, il y a quelques semaines, mon blog sur les parlementaires européens, je ne savais pas trop ce qui se passait dans le reste de l’antre de l’administration européenne. Même s’il est tardif, voici un vrai cadeau de Noël sous forme d’un livre indigné et pas cher (€ 7,50 chez Gallimard, le prix d’un Poche) de Hans Magnus Enzenberger, habituellement romancier et poète allemand, mais qui, ici, décrit l’administration de l’Union Européenne. Il devait avoir le cœur bien lourd pour perdre son temps à écrire ce petit ouvrage, si loin de ce qu’il écrit si bien d’habitude (1).

Il y a d’abord, explique l’auteur, le président du Conseil européen, à ne pas confondre avec le président du Conseil de l’Union européenne. Le premier Conseil se compose des chefs d’Etat et de gouvernements des 27 Etats, avec un président élu pour deux ans et demi, alors que le deuxième est élu pour 6 mois seulement, « mais n’assiste pas à toutes les séances du premier conseil qui se réunit assez fréquemment sous dix formes différentes, dont les principales sont, sous leurs sigles anglais : FAC, ECOFIN, JHA, COMP, ENVI, EXC, TTE et CAP ; par égard pour le public allemand, on utilise aussi JI, BeSoGeKo, WBF et BJKS, tandis que le Français préfèrent JAI, EPSCO, EJC et PAC. La coordination est prise en charge par le GAC [GAG aurait été plus approprié], encore appelé RAA [sûrement pas soleil égyptien, mais plutôt râle dans la gorge] ou CAG où sont représentés les ministres des affaires étrangères des Etats membres, qui se retrouvent aussi dans le cadre du RAB, CRE ou FAC où siège aussi le Haut Représentant de l’Union pour la politique étrangère (PESC), qui en assure la présidence, mais sans avoir le droit de vote ».

La Commission Européenne (composée de 27 commissaires, en fait des ministres dont le nombre augmente quand un pays se rajoute) est bien évidemment présidée par un Président, qui nomme 7 vice-présidents, dont l’un est en même temps président du FAC (voir plus haut). Ce président est assisté d’un secrétariat général et a autorité sur des directions générales, dont la EAC, la RTD, la ENTR, la TAXUD, la MOVE, la ECFIN, la ECHO, la ENER, la ELARG, la BUDG, la SANCO, la JUST, la DGT, la HOME, la INFSO, la CLIMA, la AGRI et la SCIC. « Il va de soi, ajoute Enzenberger, que chaque direction est subdivisée en directions et en bureaux ; car sinon, le directeur général ne serait qu’un simple directeur ».

Il y a aussi des agences répandues sur tout le continent, et dont le nombre croît au cours du temps. « Chaque agence a sa personnalité juridique propre. A sa tête se trouve un CA d’au moins 16 membres, [mais] la plupart des agences ne se satisfont pas de cet effectif minimal. Le pompon est décroché par la EU-OSHA qui s’occupe de la sécurité et de la protection sanitaire au travail. Elle n’emploie que 64 collaborateurs, mais son CA compte en revanche 84 membres ».

La Cour de justice européenne (CJE) ou plus simplement Cour de justice, à ne pas confondre avec la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), sont toutes deux localisées à Luxembourg. Chacune compte 27 juges et dispose de 8 chambres où siègent 3 à 5 juges. La première compte aussi 8 avocats généraux, la CJUE doit s’en passer. Chaque cour est « munie » d’un président élu pour 3 ans et de directeurs administratifs précieusement appelés chanceliers. S’ajoute à cela le Tribunal de la fonction publique (TFP) dont les justiciables sont les fonctionnaires européens ; il compte 7 juges et une chancelière.

Le fruit du fonctionnement de ces institutions a résulté en 85.000 pages de normes, règlements, et directives (en 2004, sûrement bien plus maintenant). En 2005 estime Enzenberger, le Journal Officiel de l’UE pesait plus d’une tonne et sa traduction française atteignait 62 millions de mots. Sur le plan juridique, il existe une base de données consultable gratuitement. Elle contient 1,4 millions de documents.

Sans parler de l’administration qui traduit chaque document dans les 22 autres langues (bientôt 23, avec l’arrivée du croate). Le plus grand service de traduction dans le monde, explique fièrement le site que le service se consacre à lui-même. Et c’est sans compter les services d’interprétation (2).

En dépit de toute cette administration, les finances publiques, l’Euro, la confiance et la sympathie des citoyens européens pour ces institutions majestueuses sont en chute libre. Il y a 222 ans, on prenait la Bastille, faudrait peut-être remettre ça avec le Berlaymont, les deux Parlements, les trois Palais de Justice, les quatre présidents, les 27 commissaires et les 44.000 fonctionnaires—dont 17.500 à Bruxelles, qui gagnent en moyenne 6.500 euros par mois—pour lesquels la Commission Européenne demande une augmentation des salaires de 1,7% pour 2012 (3).

(1) Hans Magnus Enzenberger, Le doux monstre de Bruxelles ou l’Europe sous tutelle, Paris : Gallimard, 2011. Lisez de lui Hammerstein ou l’Intransigeance, Paris : Gallimard, 2010, sur l’histoire du général allemand Hammerstein et de ses enfants communistes qui se sont opposés à Hitler.

(2) Je ne résiste pas à vous recommander d’acheter et de lire l’ouvrage de V. Ginsburgh and S. Weber, How Many Languages Do We Need. The Economics of Linguistic Diversity, Princeton University Press, 2011.

(3) RTBF, 29 décembre 2011. http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_les-etats-membres-en-justice-contre-l-augmentation-du-salaire-des-eurocrates?id=7307413

1 commentaire:

  1. Quand meme deux choses a remarquer.
    1) On veut creer une Europe federale. Bon je sais pas trop ce que c est grands hommes (et femmes) entendent par federale mais je me dis un truc du genre la Belgique. Bon, alors la deux choses. Premierement, c est plutot drole qu ils tentent de creer un Etat federal alors qu en ce moment les Etats federaux semblent se dissoudre un peu partout. Deuxiemement, l Ex Yougoslavie etait egalement un Etat federal et cela ne lui a pas reussi (pour rappel les Solvens font secessions car ils en ont assez de payer pour les autres).
    2)Il y a quelques annees de cela on m avait explique que c est apres l echec du SME que l on a cree l euro*. On s etait dit qu une politique monetaire commune etait ce qui manquait au SME. Maintenant l euro marche pas non plus. Alors qu est ce que l on fait? Et bien on construit une Europe federale. Et le jour ou ca ne marchera pas car les Allemands ne voudont pas payer pour les Grecs, les Portugais, les Espagnoles ou les Francais on fera quoi? On crera un peuple via des decret? On va imposer une langue commune? Forces les mariages inter europeen? C est moi ou ca la continuation logique de leur politique ressemble de plus en plus a une dictature totalitaire**?

    je ne cois pas un seul instant a cette explication mais bon c est la seule qu un officiel de la commission m ait donne.
    **soit dit en passant je me demande si la seule maniere de gerer un machin comme l UE ne sera pas une dictature. L UE sera comme la Yougoslavie, de petits morceaux de bois maintenus par une main de fer.

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