jeudi 17 mai 2012

Déjeuner sur l’herbe ou en fumer

Pierre Pestieau

The Economist est un hebdomadaire hautement respecté parmi mes collègues économistes, même parmi ceux qui ne sont pas des parangons de l'économie de marché. Je ne le lis pas souvent et uniquement pour ses excellents résumés d'articles scientifiques, résumés qui ont la qualité rare d'être rigoureux et pédagogiques.

Il y a quelques semaines (30 mars 2012), l’hebdomadaire a consacré à l’élection présidentielle française un article et une couverture originale. Pastichant Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet où les deux personnages masculins étaient remplacés par les deux principaux candidats à la présidence, il titrait: « La France dans le déni » et commentait une campagne dont le ton « frivole », qui rappelait selon lui la toile de Manet, était en total décalage avec la situation économique particulièrement sombre du pays. Je ne pouvais qu’approuver cette critique équilibrée de la campagne des deux principaux protagonistes qui allaient aussi devenir les finalistes de cette élection

Plusieurs semaines après, à la veille du second tour, nouvelle couverture consacrée à la France (26 avril 2012). La une de The Economist s’intitule cette fois « The rather dangerous Monsieur Hollande », le plutôt dangereux Monsieur Hollande. L’hebdomadaire britannique annonce qu’il « vote » Nicolas Sarkozy, non pas pour ses mérites personnels mais pour barrer la route à François Hollande. Cette prise de position est bizarre. D’abord elle rompt avec l’équilibre du numéro consacré quatre semaines plus tôt au déni mais, en outre elle contredit l’observation de l’hebdomadaire que François Hollande a raison de s’opposer à la politique de discipline budgétaire trop rigide voulue par l’Allemagne qui empêche toute possibilité de croissance de la zone euro. Les raisons avancées par The Economist sont en définitive beaucoup plus idéologiques qu’économiques, ce qui n’est guère surprenant. Ses éditorialistes ont raison de se méfier des déjeuners sur l’herbe ; ils devraient plutôt en fumer.

Le verdict du 6 mai semble indiquer que l’hebdomadaire libéral n’a pas évidemment eu d’impact sur l’électorat français. On souhaiterait cependant que son numéro consacré au déni des réalités économiques qui caractérisait la campagne soit pris au sérieux.

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