jeudi 31 mai 2012

Il y a filières et filières

Pierre Pestieau

Récemment, la Wallonie a subi plusieurs fermetures d’usine et de ce fait d’importantes pertes d’emploi. Cela a amené plusieurs journalistes à rechercher l’oiseau rare, à savoir l’économiste qui va leur expliquer ce que les gouvernements (nous avons la chance d’en avoir plusieurs) devraient faire. Doivent-ils continuer à soutenir la sidérurgie ou s’orienter vers d’autres filières plus « prometteuses », plus « porteuses », pour utiliser les deux adjectifs de circonstance ? C’est dans ce contexte que j’ai été interrogé à plusieurs reprises et conduit à décevoir mes interlocuteurs. Je ne peux les aider. Il n’existe, en la matière, pas de recette magique qui permettrait d’anticiper les demandes futures, d’autant plus que dès que l’on croit avoir trouvé la perle rare, on réalise qu’on n’est pas les seuls. On se souvient de ce film culte The Graduate où un jeune diplômé, Dustin Hoffman, reçoit d’un ami de famille le « précieux » conseil : Go into plastics. On aimerait pouvoir offrir ce type de conseil à nos ministres Go into biotechnology, Andy, or Rush into renewable energy, John (1). En revanche, on peut leur donner le conseil de bon sens de créer un climat favorable à l’activité économique : faciliter les démarches administratives, simplifier la fiscalité, garantir la stabilité institutionnelle, réduire la défiance qui règne entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Dans un ouvrage récent, trois économistes français (2) insistent sur le rôle de la confiance qui doit exister dans une société qui veut se développer. Ils voient dans l’absence de confiance généralisée au sein de la société française, l’explication majeure du mal français. A beaucoup d’égards, leur analyse s’applique à la société belge et à la Wallonie en particulier.

S’il me paraît difficile d’anticiper les filières dans lesquelles on devrait investir et croire en l’efficacité de resucées du Plan Marshall, il est possible de conseiller à nos jeunes dans quelles filières se spécialiser. Il existe aujourd’hui des disciplines pour lesquelles nous manquons cruellement de candidats alors que d’autres ont une popularité coûteuse qui débouche presque toujours sur le chômage ou sur un changement de cap douloureux. Ne faudrait-il pas dans un pays où l’enseignement supérieur est encore relativement abordable introduire des incitations financières ou autres pour encourager les jeunes à s’orienter dans des disciplines comme les sciences, les langues, le génie civil où la demande est élevée? Cette suggestion se heurtera sûrement au droit de choisir les études que l’on préfère. Cela me semble un droit parfaitement respectable et défendable en période de vaches grasses. Nous n’y sommes malheureusement plus.

(1) Ne voyez naturellement aucune ressemblance avec des ministres en fonction.

(2) Yann Algan, Pierre Cahuc et André Zylberberg, La fabrique de la défiance - ... et comment s'en sortir, Paris : Albin Michel, 2012

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