jeudi 21 juin 2012

Le point de non-retour

Pierre Pestieau

Un des concepts importants dans notre existence tant individuelle que collective est sans doute celui de point de non retour ou plus exactement du moment où l’on a atteint ce point. C’est le moment à partir duquel il n'est plus possible d'arrêter une action en cours ou de revenir sur une décision. Cette expression tirée de l’anglais fait plus moderne tout en disant la même chose que franchir le Rubicon qui fait allusion à la traversée par Jules César de ce fleuve du nord de l'Italie. Il existe des points de non-retour dans de nombreux domaines.

Il y a plusieurs années, je demandais à Tony Atkinson, l’économiste anglais connu pour ses travaux sur la taxation et les inégalités ce qu’il pensait de la récente entrée du Royaume Uni dans l’Union Européenne. Sa réponse fut étonnante : « J’étais contre mais maintenant qu’on y est, je suis opposé à l’idée de la quitter. Le retour à la situation antérieure serait encore plus coûteux. » Les grands travaux achevés ou abandonnés, utiles ou inutiles, peuvent être interprètés en termes de « non retour ». Les bons travaux sont ceux qui ont été arrêtés parce qu’ils allaient s’avérer inutiles ou ceux qui ont été achevés parce qu’ils allaient être rentables. Les autres sont de mauvais travaux.

Il faut parfois beaucoup de courage pour interrompre un processus dont tout le monde pensait qu’il était inexorable. La plupart d’entre nous sommes d’indécrottables romantiques. Nous préférons le baroudeur qui va vers une mort certaine et inutile à celui qui par sagesse préfère attendre voire renoncer à une expédition. Renoncer est souvent associé à des clichés qui pour l’essentiel tournent autour d’un manque de virilité.

L’idée du non-retour s’applique au jeu politique. A la suite de la victoire toute récente de François Hollande, la gauche s’est gaussée de toutes les mesures prises par la droite, critiquées par le candidat socialiste lors de la campagne présidentielle, alors qu’il allait vraisemblablement les garder. Dans certains cas, il les gardera par ce qu’il les juge raisonnables, ce sera sans doute le cas de la reforme des universités et d’une grosse partie de la réforme des retraites. Dans d’autres cas, il devra les garder parce qu’il serait trop coûteux pour la collectivité de revenir en arrière, même s’il juge que ce fut une erreur de les adopter.

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