vendredi 31 août 2012

Perseverare diabolicum…


Pierre Pestieau
Un ami m’a récemment envoyé une pétition à signer. Elle concernait la « forte répression judiciaire et policière qui s'abat présentement sur le mouvement étudiant québécois et, par extension, sur les professeurs aux niveaux collégial et universitaire ». Cette répression faisait suite au mouvement de protestation lancé il y a plusieurs mois contre un projet de loi visant à augmenter les frais de scolarité dans les universités québécoises, pour la plupart provinciales, afin de se rapprocher des montants appliqués dans le reste du Canada. Je dois avouer mon embarras devant cette pétition qui comprend deux volets. D’une part un rejet de la proposition d’augmentation des droits d’inscription et d’autre part une protestation contre les mesures récentes prises par le gouvernement Charest qui visent à limiter le droit de manifester. Pour dire les choses clairement, je signerais ce second volet des deux mains ; en revanche, j’ai des sérieuses réserves sur le premier. Et surtout, j’hésiterais à faire trop rapidement un amalgame entre le premier ministre québécois Charest, et le premier ministre fédéral Harper (1).
Je me faisais cette réflexion en terminant de lire un excellent roman policier (2) dont l’intrigue se passe dans la Chine contemporaine et qui indirectement dénonce les excès de la révolution culturelle et la réalité de la corruption. On est loin du livre de Simon Leys Les Habits neufs du président Mao. Chronique de la Révolution culturelle publié en 1971 (3), qui à l’époque, ne reçut pas un accueil chaleureux auprès du peuple de gauche, alors que 40 plus tard, le roman policier présente la révolution culturelle comme une aberration largement admise.
Rechercher dans la Chine maoïste une patrie de rechange était populaire au moment de la publication de l’ouvrage de Leys. Ce l’est moins 40 ans après. De même, vouloir à tout prix la gratuité de l’enseignement supérieur a pu se défendre en des temps budgétairement favorables. C’est moins acceptable aujourd’hui.
Il y a plus de 20 ans à la demande de la Communauté française de Belgique, le CREPP, centre de recherche de l’Université de Liège, avait procédé à l’étude d’un projet qui consistait à augmenter les droits d’inscription et les bourses d’études de manière à garder le budget constant. Nous partions du constat que de nombreux jeunes issus de milieux populaires ne peuvent faire des études supérieures faute de ressources, alors que la majorité des étudiants sont issus de familles qui pourraient payer des droits d’inscription. La situation est la même au Québec. Nos calculs menaient à une plus grande démocratisation de l’enseignement et une répartition plus équitable du financement des études universitaires. Nous avons présenté le résultat de notre étude à des représentants du Ministre concerné. L’accueil ne fut pas chaleureux. Je pense même que le CREPP n’a pas été totalement payé pour cette étude.

(1) Suite à ces manifestations, des élections provinciales auront lieu prochainement. Que Charest soit conservateur est indéniable mais il ne profère pas les mêmes hénaurmités que ne le fait Harper sur l’environnement, le Moyen-Orient ou le créationnisme.
(2) Peter May, Meurtres a Pékin, Rouergue, Paris, 2005.
(3) Editions Champ Libre, Paris, 1971.
(4) B. Delhausse, S. Perelman, P. Pestieau, M. Sluse et M. Stévart, Droits d'inscription et bourses d'études dans l'enseignement supérieur de la Communauté française, CREPP 1990.

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