vendredi 24 août 2012

Polac ou le prix de l’indépendance

Pierre Pestieau

Il y a plusieurs années, j’ai eu la chance de faire la connaissance de John Simon, un critique de théâtre et de cinéma new-yorkais. C’était le voisin de palier d’une amie et la première fois que je l’ai vu, il venait de se faire virer du dernier magazine qui l’employait. Il avait travaillé pour des publications telles que New York, Esquire, The Hudson Review, National Review, Opera News, The New Leader, Commonwealth, The New Criterion, The New York Times Book Review et The New York Magazine. Excusez du peu. Nous étions en 2005. La raison du désamour progressif dont il était la victime auprès des rédacteurs en chef était simple : rigueur et honnêteté. Sortaient chaque semaine à New York une dizaine de films « grand public » et il devait en faire la recension. Au grand maximum un seul d’entre eux trouvait grâce à ses yeux et je dois admettre qu’il avait raison. Il suffit de voir avec quel rapidité, ces films tombent dans les oubliettes du temps. Inutile de dire que cela ne plaisait guère aux producteurs qui faisaient pression auprès des différentes rédactions pour qu’elles se débarrassent de ce rabat-joie et engagent un critique moins malthusien et plus complaisant.

Je n’ai pas eu la chance de rencontrer Michel Polac qui était fait du même bois que John Simon. Il vient de décéder à 82 ans le mardi 7 août. Un peu vieil ours bourru et râleur, très anar, il s’était fait connaître avec son émission Droit de réponse, de 1981 à 1987. Dans cette émission culte comme dans les autres tel Le Masque et la plume, dans ses chroniques de Charlie Hebdo et dans ses livres, il ne s'est jamais départi de ses indignations et de son mauvais esprit. Dans un excellent papier Pourquoi Polac est devenu culte ? publié sur le site du magazine CQ (1), on lit ce propos malheureusement pertinent : « Soyons honnêtes: seuls les vieux fans de Polac écraseront sinon une larme, disons un tendre clin d'œil, comme pour un vieil oncle qu'on aimait bien même s'il n'était pas toujours facile ».Le nom de Michel Polac n’évoquera malheureusement plus beaucoup de souvenirs à la plus grande partie des téléspectateurs actuels. Même si d’aucuns se réclament de son influence, il n’a pas vraiment trouvé de disciple. Car sa liberté à l’égard des puissances d’argent, des annonceurs, des directeurs de chaine, des producteurs de films et des éditeurs n’est pas tenable dans la presse actuelle.

Pour paraphraser Brassens et en guise de clin d’œil au blog précédent, Polac sa vie durant ne fut ni un con caduque, ni un con débutant.

(1) http://www.gqmagazine.fr/pop-culture/medias/articles/pourquoi-polac-est-devenu-culte/15444

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