mercredi 20 mars 2013

Les mal aimés


Pierre Pestieau

Les droits de succession représentent un impôt qui est sans nul doute un bon impôt, et pourtant il subit des attaques de toutes parts, attaques qui pourraient, à terme, conduire à sa disparition.

Il n’est jamais agréable de payer un impôt et nul n’en disconvient. Mais dans la mesure où l’Etat a des besoins indiscutables, il importe de trouver le meilleur moyen de les financer. C’est ce qu’étudie la théorie de la taxation optimale, dont l’esprit est de dégager une structure fiscale, un ensemble de taxes qui permettent de financer des dépenses publiques données, en maintenant un équilibre entre les impératifs de redistribution et la nécessité de ne pas décourager l’activité économique.

Or les droits de succession ont le double avantage d’être équitables et de ne pas trop affecter l’épargne et l’investissement. Si vraiment les parents veulent transférer des ressources à leurs enfants, ils peuvent le faire de leur vivant, auquel cas ils seront exposés à une très faible fiscalité. Ils le font d’ailleurs sous forme de dépenses d’éducation et de donations entre vifs. Au terme de leur vie, le patrimoine qu’ils ont gardé et qui sera soumis aux droits de succession obéit beaucoup plus à des soucis de précaution qu’à une véritable volonté d’aider la génération suivante. De ce fait, l’existence des  droits de succession n’a qu’une infime incidence sur le montant de cette épargne. On qualifie parfois ces legs d’accidentels ou de non planifiés : l’épargne qui les constitue n’avait pas pour objectif premier d’aider les enfants mais de venir en aide à l’épargnant en cas de vie longue ou de dépendance coûteuse. Ces legs n’apparaissent que si le parent échappe à la dépendance ou autre chocs de santé ou s’il vit une vie relativement courte.

Mais alors pourquoi ce bel impôt est-il si impopulaire? Deux raisons majeures. D’abord, il y a ce qu’on pourrait appeler les lobbys des nantis qui font une campagne inlassable contre toute taxation du capital et du patrimoine avec une remarquable mauvaise foi. Un exemple canonique : une petite PME dont le père fondateur meurt ; ses héritiers sont obligés de vendre, voire de mettre fin à l’entreprise familiale pour payer des droits de succession « exorbitants ». A cela on répondra que ces cas sont rares, qu’en ligne directe, les taux ne sont pas élevés et que si l’entreprise est vraiment rentable, des arrangements avec le fisc sont possibles afin d’étaler le règlement des droits de succession. Si elle n’est pas rentable, il vaut mieux qu’elle disparaisse. Aux Etats Unis, ces lobbys sont connus ; ce sont des think tanks ayant pignon sur rue : l’American Enterprise Institute ou le Cato Institute. En Belgique, il est singulier de voir que ce sont les notaires et les avocats fiscalistes qui occupent le haut du pavé dans les médias quand il s’agit de débattre du bien-fondé des droits de succession. Leurs arguments touchent à l’affect beaucoup plus qu’à la raison. Il est navrant que les hommes politiques belges aient décidé, il y a plusieurs années, de céder à ces arguments en régionalisant et en réduisant les droits de succession. L’histoire fiscale nous l’apprend : la décentralisation d’un tel impôt  conduit inexorablement à son extinction.

Deuxième raison : la perception qu’il s’agit d’un impôt inéquitable dans la mesure où deux successions de montant égal seront soumises à des prélèvements différents. De par la nature des biens transmis ou en fonction de l’entente familiale, certains héritiers paieront moins que d’autres. De nombreux actifs échappent à l’impôt ou peuvent être dissimulés alors que d’autres subissent la taxe de plein fouet. Réponse : ne pas supprimer les droits de succession mais les nombreuses exemptions et autres possibilités d’évasion voire de fraude. Pour bien illustrer ce point, rappelons qu’au Royaume-Uni, les droits de succession sont appelés « impôt pour stupides » (a tax for the stupid). On entend par là  qu’en s’y prenant assez tôt, il y a moyen d’éviter la quasi totalité de la charge.

Certes les  droits de succession ne rapportent pas grand-chose, moins de 2% des recettes de l’Etat mais c’est déjà cela. Si leur assiette pouvait être élargie et si leur perception était plus rigoureuse, ils rapporteraient davantage. Dans les difficultés budgétaires que nous connaissons en Belgique, il ne faut pas faire la fine bouche et, s’il fallait augmenter un impôt, il vaut sûrement mieux toucher aux droits de succession qu’aux différents prélèvements sur les revenus du travail. C’est plus efficace et plus équitable.

Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage. Quand on veut tuer un impôt, on le pare de tous les vices. 

1 commentaire:

  1. The issue is the corruption in the statist system. Communism epitomizes what those who claim to represent the people were capable off.People with personal interests will take advantage of their position to abuse the system under the pretext of representing the disadvantaged.
    "Quand on veut tuer un impôt, on le pare de tous les vices." That is precisely what humans are about!Elitism is a quality and a deficiency of the homo. Concept of the Good & Bad. We need to take both or none. That is the struggle of life for the humans! The "contradictions" of the human condition said ...many!

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