jeudi 20 juin 2013

Courage, bougeons


Pierre Pestieau

L’opinion de la société belge francophone telle qu’elle transparait dans les principaux medias est inquiétante par son irréalisme. Un irréalisme qui consiste à repousser les échéances ou à ne pas les voir, un peu comme ces adolescents attardés qui ne voudraient plus se regarder dans un miroir ou lire les pages des calendriers pour ignorer que le temps passe et qu’il y a longtemps qu’ils n’ont plus 15 ans. Témoin, ce secret espoir que le roi grâce à je ne sais quelle tisane de jouvence puisse rempiler pour encore au moins 10 ans. Ou encore l’espoir que la NVA puisse se dégonfler telle une baudruche. Or si l’un et l’autre espoir venaient à se concrétiser, rien ne serait résolu.  Prenons le cas de la NVA (je ne suis pas un expert des Saxe Cobourg Gotha), il est incontestable que l’ensemble des Flamands qui réfléchissent et qui ne sont pas nécessairement des aficionados de la NVA estiment que la Belgique a un besoin urgent de réformes et qu’une des raisons de la paralysie que nous connaissons vient du conservatisme des partis francophones qui ont depuis longtemps choisi de ne pas bouger par méfiance ou par crainte de perdre quelque chose. Quand ils bougent, c’est contraints et sans voir les conséquences des réformes qu’ils subissent.

J’ai récemment assisté à une série de présentations concernant la pauvreté et les inégalités en Belgique, aux Pays Bas ou en Suède (1). La situation belge est alarmante ; on assiste a un réel décrochage : malgré les dépenses sociales plus élevées, nous atteignons des nivaux de pauvreté inquiétants, particulièrement chez les enfants et les personnes âgées. Nous pourrions éviter cela même dans la conjoncture ambiante. Mais il faudrait alors cibler différemment la politique sociale en direction des familles où la pauvreté est la plus sévère. Il est par exemple urgent de tout faire pour éviter qu’un ménage n’ait aucune source de revenu du travail suffisant et que les ménages sans emploi soient d’avantage aidés. Cela pourrait se faire à budget constant mais demanderait des réformes qui pourraient remettre  en cause certains droits acquis.

Il est intéressant de noter une évolution récente suite à la dernière réforme de l’Etat. Dorénavant tous les leviers qui permettent d’améliorer le sort des familles avec enfants relèvent des pouvoirs décentralisés. La balle est ainsi dans le camp de chaque communauté. Les Flamands ne pourront plus blâmer les Francophones de freiner les réformes ; il sera intéressant de voir si les deux communautés mènent les mêmes politiques. Pas nécessairement. D’autant que la pauvreté chez les enfants est très élevée en Wallonie, proche de celle qui sévit en Roumanie et en Bulgarie ; elle est bien moins élevée en Flandre mais néanmoins préoccupante. Je ne suis pas sûr que les autorités francophones aient pris la mesure de ces nouvelles responsabilités.

Quant aux personnes âgées où la pauvreté sévit aussi, tous les leviers restent aux mains du pouvoir fédéral et c’est à ce niveau qu’il faut craindre des blocages. On peut espérer qu’ils disparaissent sous la pression de l’urgence, ce qui éviterait une nouvelle (et sans doute définitive) réforme de l’Etat.

(1) Ces contributions seront présentées à l’occasion du prochain Congrès des économistes belges de langue française consacré au « Modèle social belge ». Voir http://www.cifop.be/evenements.php?id=1359Il se tiendra le 21 novembre 2013 à Charleroi, agglomération où le modèle social belge est mis à l’épreuve. 

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