jeudi 24 octobre 2013

Manque d’effectifs ou manque d’effectivité ?


Pierre Pestieau

Dans deux domaines stratégiques de nos états providence, on entend souvent parler de manque d’effectifs. Dans le domaine de la santé, on parle de déserts médicaux et dans celui de l’enseignement, de classes surnuméraires. Et pourtant que ce soit en France ou en Belgique, il y a selon les standards internationaux suffisamment de médecins et suffisamment de professeurs dans le secondaire. D’où vient le problème ? Simple comme l’œuf de Colomb. L’Etat qui finance les deux systèmes, la santé et l’éducation, ne se donne pas les moyens d’assurer une juste répartition des moyens sur le territoire entre les spécialités médicales ou entre les enseignements.


Contrairement à ce que laissent entendre les débats récurrents sur les déserts médicaux, on ne manque pas de médecins en France. Le problème vient de leur inégale répartition sur le territoire, non justifiée par des différences géographiques dans les besoins de soins : tout se passe comme si les généralistes, et plus encore les spécialistes, cherchaient avant tout le soleil ou l’argent. Dans les zones sous dotées en médecins, les patients sont rationnés. Dans les zones sur dotées, les médecins peuvent adopter des comportements de demande induite afin d’améliorer leurs honoraires. Cette mauvaise répartition est source de surconsommation de soins et d’inégal accès aux soins, autrement dit d’inefficacité et d’iniquité. La liberté d’installation des médecins à la sortie de leurs études permet cette répartition inégale. Elle n’est pas prête à être remise en question.

Dans le domaine de l’éducation nationale, la mauvaise répartition des moyens que l’on observe résulte de deux facteurs au moins : (a) l’indisponibilité d’une fraction non négligeable d’enseignants pour raisons de santé, de retraite anticipée ou d’affectation à des tâches non enseignantes et (b) l’existence d’enseignements portant sur des matières peu demandées et qui comptent de ce fait peu d’étudiants. Il faut ajouter à ce constat que pour certaines matières notamment scientifiques le recrutement d’enseignants devient problématique, ce qui pourrait conduire à d’autres déséquilibres.

On touche ici à une des limites du libéralisme dans des métiers qui sont organisés et soutenus par la collectivité nationale. Dans le cas de l’enseignement, le caractère public est évident. Il l’est moins dans le cas de la médecine. Et pourtant. Dans la mesure où l’essentiel des soins de santé relève de l’assurance sociale et dans la mesure où les études de médecine sont fortement subventionnées, il est normal que l’Etat agisse sur la distribution des médecins sur le territoire national si cela permet d’améliorer la qualité du service à dépenses données.


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