Il m’arrive de m’étonner en lisant ça et là qu’une partie
de la population qui vivait naguère dans l’ « enfer » soviétique
et qui depuis plus de deux décennies connaît les joies du « paradis »
capitaliste manifeste une certaine nostalgie pour le passé. Certes elle ne
connaissait ni le luxe ni la liberté mais bien une certaine forme de sécurité.
Nous aussi dans notre vie quotidienne, nous sommes soumis
à une série de contrôles et de comptabilisations qui nous font parfois
regretter un monde sans doute moins efficient mais plus rassurant.
Cette réflexion m’est venue à l’esprit lorsqu’il
y a peu je me suis aperçu que dans le centre de recherche où je travaille l’impression
de documents nous était comptée nominalement et facturée en conséquence. Même réaction
lorsqu’il a fallu payer pour les chèques bancaires émis, pour le parking au
bureau, pour les immondices, … toute une série de biens ou de services qui
paraissaient gratuits et que tout à coup on doit payer à l’unité. Quand quelqu’un
s’en plaint, je tâche de lui expliquer qu’il est optimal de faire payer ces
biens et services qui ont un coût réel et qui, jusqu'ici, était mal utilisés
parce que gratuits. L’exemple typique est celui de ces chèques de quelques
euros qui coûtent bien plus à l’institution bancaire. Ou encore le Mexique d’il
y a 40 ans où les petits pains, que les Bruxellois appellent des pistolets, étaient
quasiment gratuits et débordaient de certaines poubelles. Anticipant sur les
prochaines années, un jour viendra où l’accès à l’internet et à SKYPE sera
payant. On aura aussi à ce moment-là le sentiment de la perte d’un droit que l’on
croyait acquis.
Dans un registre parallèle, il y a
toutes les frustrations que l’on peut éprouver lorsque ce qui était permis
jusqu’alors ne l’est plus. Citons dans le désordre les feux de jardin, l’abattage
d’un cochon ou d’une génisse dans son garage, le stationnement dans la rue où l’on
habite. Du jour au lendemain ce qui était permis ou toléré ne l’est plus. Ici
aussi la raison est évidente. Ce sont les nécessités du vivre ensemble. Mais même
si on le comprend parfaitement, on a, à ces moments-là, le sentiment d’une part
de liberté qui s’en va. Ou pour reprendre les mots de la chanson de Mouloudji
que « Tout fout l’camp », qu’il conclut sagement par « Ou c´est moi p´têt´ moi qui vieillis. »
Pour faire plus sérieux comme le font si bien les
politologues, on attribue parfois ce sentiment d’insécurité dans d’un monde qui
change à la fameuse mondialisation et on explique ainsi la montée des partis d’extrême
droite partisans de cadenasser les frontières pour garder bien au frais nos
certitudes et nous préserver des invasions barbares.
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