jeudi 30 janvier 2014

Cadeaux de Noël et autres…


Victor Ginsburgh

Nous sortons de l’époque des cadeaux, mais il faut savoir que les êtres humains ne sont pas, et de loin, les seuls à en faire. Les animaux s’en donnent aussi à cœur joie, mais sans doute pour des raisons plus terre-à-terre que nous—et encore, puisqu’ils sont souvent associés à la reproduction de l’espèce, comme le raconterait un vulgaire darwiniste.

Les dons que se font les animaux sont en fait des cadeaux nuptiaux, un peu comme lorsque—en tout cas quand nous étions jeunes— nous invitions l’être dont nous étions tombés amoureux au restaurant ou au dancing, et que nous dessinions où nous pouvions, par exemple sur un arbre, un cœur transpercé d’une fléchette, dont rien que l’image nous faisait bien évidemment souffrir.

Un phénomène similaire existe chez certains serpents qui se promènent dans nos jardins. Ils sont hermaphrodites, chacun produisant aussi bien des œufs que du sperme, mais doivent tout de même s’accoupler longuement pour assurer leur progéniture. C’est pourquoi, avant de s’unir tendrement, le serpent envoie avec une force redoutable à sa ou son désiré une fléchette d’amour qui ressemble à un harpon et qui est produite dans sa région génitale. Ce harpon se fiche dans n’importe quelle partie du corps de sa « proie » en délivrant une puissante hormone d’amour, nous dirions un philtre. L’autre serpent répond de la même façon. A la suite de quoi, ils se mettent à faire ce qu’il faut pour donner le jour à de mignons petits serpenteaux (1).



Un certain petit coléoptère australien aime se loger sur des graines, où il trouve peu d’accès à l’eau. Il se fait que les femelles ont très soif lorsqu’elles pondent. C’est là qu’intervient le beau mâle qui stocke toute l’eau qu’il rencontre durant ses longues promenades, la mélange à son sperme, et attend qu’une femelle lui fasse de l’œil. Il lui fournit alors le mélange décrit. Les biologistes qui étudient cet insecte se sont aperçus que plus une femelle a soif, plus elle cherche des mâles, et plus elle en trouve avec le stock d’eau qu’il faut, plus elle pond.

Certaines araignées mâles vont jusqu’à risquer leur vie pour faire des dons à une bien-aimée convoitée. Mais ils (les araignées mâles) commencent par trouver une proie à envelopper avec mille précautions de leur toile. Ils vont ensuite avec bien des difficultés—parce que leur marche est réduite de plus de 60% par le poids qu’ils portent, ce qui les rend très vulnérables à d’autres bestioles—à la recherche d’une femelle à aimer à laquelle ils tendent leur précieux cadeau.

Chez un certain type de grives, les mâles font aussi des cadeaux aux femelles. Pour leur régulière, le cadeau consistera en un modeste petit insecte empalé sur un bâtonnet, à la manière des hors d’œuvre de nos cocktails dînatoires. S’il s’agit d’une maîtresse, le cadeau deviendra plus succulent et royal : un petit lézard, un souriceau, voire un oiselet.

Le monde est bien fait quand même…

(1) Voir Natalie Angier, For that Zeus bug in your life, The New York Times, December 23, 2012.


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