mercredi 5 février 2014

Nouvelle dérive de Wall Street ?


Victor Ginsburgh

On se rappellera sans aucun doute que la crise financière de 2007 a débuté par la crise  des prêts hypothécaires dans l’immobilier américain en 2006-2007. A peu près n’importe qui pouvait emprunter près de 100% (et parfois plus) du prix de son futur logement, même si tout le monde savait que cela conduirait inévitablement à des défauts de remboursement des hypothèques. Pas grave, les banques prêteuses ont émis des titres représentant ces dettes (les initiés parlent de titrisation et de subprimes) qui ont été revendus à travers le monde, dans de jolis petits paquets emballés dans du papier non transparent (les mêmes initiés parlent de produits dérivés, il faudrait plutôt dire à la dérive).  Et puis ce qui devait arriver arriva, les emprunts n’ont pas pu être remboursés avec pour conséquence que les soi-disant propriétaires ont été éjectés de leur logement et que la valeur de ces titres est tombée à presque rien.

Tout cela est bien connu. Ce qui l’est moins, c’est que cela recommence, mais autrement. Les banques « titrisent » les dettes des anciens propriétaires délogés, et vendent ces titres  à des investisseurs. Et les investisseurs—fonds d’investissement, mais aussi des plombiers ou des dentistes, dit l’article du New York Times qui raconte l’histoire (1)—se pressent au portillon et les tranches se vendent comme des petits pains. Le marché pourrait s’élever à $1500 milliards…

Jusqu’ici, le marché immobilier de location était dominé par des propriétaires de quelques immeubles, maisons ou appartements. Wall Street a compris qu’il y avait pas mal de beurre dans l’affaire. Des génies qui ne manquent jamais d’idées.

Le problème est que les acheteurs de ces actifs peuvent eux aussi emprunter jusqu’à 75% auprès des banques, alors que la norme est 60%. La Banque Fédérale (ainsi que certains députés) ont sonné l’alarme : si les nouveaux propriétaires de ces biens s’endettent trop, cela peut conduire à des ventes forcées, et ce qui s’est passé en 2006-2007 recommence. Une des sociétés propriétaires (American Homes for Rent) possède 21.000 habitations dispersées dans 22 des 50 états américains, et s’est largement endettée dans l’aventure. Mais les titres qu’elle a émis pour ce faire il y a quatre mois ont déjà augmenté de 17%. Youpee.

Cela risque de nous concerner très bientôt en Europe. Une société, Deal 500, vient de voir le jour en Belgique et sera opérationnelle en février. Elle annonce que « grâce au crowdfunding [c’est le nom qui est donné à ce genre de chose], on peut devenir propriétaire à partir de 2000 ou 3000 euros » (2).

P. S. La banque américaine JPMorgan Chase verse une amende de $1,45 milliards pour mettre fin à des poursuites pour harcèlement sexuel (3). Dans des maisons dont les propriétaires ont été expulsés?


(1) Michael Corkery, Wall Steet’s new housing Bonanza, New York Times, January 29, 2014, http://dealbook.nytimes.com/2014/01/29/wall-streets-new-housing-bonanza/?nl=todaysheadlines&emc=edit_th_20140130

(2) Le crowdfunding immobilier débarque en Belgique,  La Libre.be, 31 janvier 2014.


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