mardi 1 avril 2014

Le clin d’œil de Vladimir


Victor Ginsburgh

Le clin d'oeil de Vladimir
Vladimir doit bien se marrer derrière les murs de son petit Kremlin. L’embouteillage durant toute la journée du 20 mars à Bruxelles est sans doute le résultat le plus important (et probablement le seul) de la n-ième réunion des 28,00 chefs d’Etat européens pour imposer des sanctions à la Russie. L’Union Européenne annonce fièrement avoir ajouté 12 noms sur sa liste de personnalités sanctionnées (1). Si je compte bien, ça nous fait 12/28 = 0,43 personne sanctionnée par dirigeant européen après une journée de travail. Foutent rien ces gens-là.

Non seulement Vladi se marre, mais il impose des sanctions plus vite que celles que nous lui imposons. A peine Barak Obama avait-il cité trois noms supplémentaires de personnalités interdites d’entrée aux Etats-Unis, que Vladi répond en multipliant le 3 par 3 : sa liste compte 9 personnalités.

Et puis, Standard & Poor’s, de bien triste réputation, a abaissé la note de la Russie à « négative ». Tout le monde s’en fout de S&P après leurs prévisions hilarantes de 2007-2008 racontant que tout allait bien.

L’OTAN est du côté de l’Ukraine : le 10 mars, son secrétaire général a terrorisé le monde entier en déclarant :

“Nous attendons que la Russie remplisse ses engagements internationaux, retire ses troupes et n'intervienne pas dans d'autres régions d'Ukraine. Sur la carte de
l'Europe du 21e siècle, personne ne devrait tenter de tracer de nouvelles frontières… Nous avons placé l'ensemble de la coopération Otan-Russie sous examen » (2).

Ca a fait très peur à Vladi, et c’est bien pourquoi huit jours plus tard, il annexait la Crimée « pour protéger sa patrie ».

Mais M. Obama ouvre aussi la porte à des mesures économiques, incluant notamment les industries du pétrole et du gaz (3). Et quand Vladi nous coupera le gaz, nous aurons l’air malin !

Encore que, comme je l’ai entendu il y a peu « sur » la radio belge, il a fait beau et les toits recouverts de si jolis panneaux photo-voltaïques ont produit en une heure (de midi à 13 heures) l’équivalent de ce que produisent deux centrales nucléaires. Donc on s’en fout du gaz de Vladimir.

Mais parlons plus sérieusement et reprenons les propositions d’un article très révélateur du New York Times (4). « L’origine de la crise repose sur deux problèmes liés aux institutions politiques ukrainiennes : la production de dirigeants honnêtes et compétents, et leur écoute de toutes les classes de sa population ».

Que l’ex-président Yanukovych était un homme corrompu est évident : il suffit de voir sa résidence pour le croire. Mais il ne semble pas y avoir grand monde qui se presse au portillon pour le remplacer, si ce n’est quelques démagogues de couleur fascisante.

Il y a aussi le fait que la centralisation du pouvoir en Ukraine est extrême. Le président a le droit de nommer et de dégommer les gouverneurs des régions, qui deviennent des bureaucrates (puisqu’ils ne sont pas élus) et ne s’intéressent guère au bien-être de leur population dans les provinces. Il est temps de réformer le système et de faire élire les gouverneurs par les populations locales. Ce qui devrait aussi mettre en confiance les russophones et Russes ethniques de l’est du pays qu’ils ne seraient plus gouvernés par des Ukrainiens de souche.

Un éditorial du New York Times (5) paru après la visite d’Obama à Bruxelles (une autre journée d’embouteillages) intitulé « Le discours anémique d’Obama en Europe » explique que

Barak à Bruxelles
« ce n’est pas le moment des clichés sur les merveilles de la démocratie, de la liberté, de l’ouverture des marchés, de l’Etat de droit et autres fondations de l’Ouest. Pas quand la démocratie est bloquée, la liberté est sélective, les marchés sont cruels et la loi est la plus dure avec ceux qui possèdent rien. »




(3) M. Landler, A. Lowrey ad S. Lee Pyers, Obama steps up Russia sanctions in Ukraine crisis, The New York Times, March 21, 2014

(4) S. Gehlbach, R. Myerson and T. Mylovanov, A way forward for Ukraine, The New York Times, March 19, 2014 http://www.nytimes.com/2014/03/20/opinion/a-way-forward-for-ukraine.html

(5) Roger Cohen, Obama’s anemic speech in Europe, The New York Times, March 27, 2014. http://www.nytimes.com/2014/03/28/opinion/cohen-obamas-anemic-speech-in-europe.html



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