mardi 24 juin 2014

Star Trek et Alzheimer


Pierre Pestieau

On sait que les besoins de dépendance ne cesseront d’augmenter dans les décennies qui viennent. L’autre jour je m’adressais à une assemblée de gérontologues/gériatres (distinction subtile) sur ce thème. J’expliquais l’urgence qu’il y avait pour les pouvoirs publics de faire face à ce que nos amis français appellent le cinquième risque, urgence d’autant plus aigüe que le marché de l’assurance est défaillant et que les familles sont pour de multiples raisons de moins en moins au rendez-vous.

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Après mon exposé empreint d’une bonne dose de pessimisme, je me suis trouvé interpellé par deux personnes, un gérontologue et un gériatre, j’imagine, qui m’ont reproché mon manque de confiance dans l’avenir. Selon eux, la dépendance augmentera mais ses besoins ne poseront pas de problèmes dans la mesure où les nouvelles technologies suppléeront au manque de personnes aidantes. J’eus alors droit à une liste des nouvelles techniques allant de la robotique à la domotique et des produits innovants qui allaient permettre aux personnes dépendantes de ne plus dépendre des personnes aidantes. Devant leur enthousiasme, j’ai préféré me taire plutôt que de leur objecter que ces techniques étaient le plus souvent coûteuses et n’étaient souvent pas encore au point. Que le petit robot, d’origine japonaise naturellement, puisse peut-être effectuer certains travaux basiques, je n’en disconviens pas mais il pourrait difficilement apporter le réconfort voulu à une personne anxieuse ou veiller à ce qu’une personne dépendante s’habille de façon correcte.



Tout cela me rappelait les séries télé de science fiction telles que Startek où les problèmes de ressources rares sont résolus par l’exploration de nouvelles planètes et la création d’énormes stations spatiales. Régulièrement les amateurs de cette série, le Trekkies (1), se retrouvent dans des conventions dans lesquelles l’imagination et le rêve ne connaissent pas de limites. Ils ont maintenant l’âge où les problèmes de dépendance surgissent à moins qu’ils ne décident de s’envoler pour une autre planète comme dans Cocoon.

En réalité, la montée des coûts que l’on observe pour les soins de santé et pour l’aide à la dépendance  provienne de causes  différentes. Pour les soins de santé, l’arrivée sur le marché de techniques à la fois plus performantes mais aussi plus onéreuses crée de nouveaux besoins qu’il est difficile de juguler. En revanche pour l’aide à la dépendance, le problème vient de ce qu’il faut autant d’aidants pour un cas donné de démence aujourd’hui qu’hier et que demain. Or la main d’œuvre, même si elle n’est guère qualifiée, coûte de plus en plus. Pour distinguer ces deux problématiques, on recourt à une comparaison entre un téléviseur et une coupe de cheveux. Un téléviseur est chaque année de plus en plus performant tout en se vendant à un prix de plus en plus faible. Mais aujourd’hui on en compte plusieurs par famille conjointement avec des tablettes, ordinateurs et Smartphones alors que naguère un seul appareil suffisait pour une famille voire pour un quartier. En fin de compte, cela coûte plus. En revanche, une coupe de cheveux demande toujours 20 minutes d’un coiffeur et cela ne devrait pas changer à moins que vous ne vouliez confier votre crâne à un robot coiffeur (2).

(1) Un trekkie est un fan de la série Star Trek. Ce mot a été introduit à la fin des années 1960 par Gene Roddenberry, le scénariste de la série, et se trouve dans le Oxford English Dictionary. Le terme « trekkie » peut évoquer une certaine obsession pour l'univers de Star Trek.
(2) Ce phénomène porte le nom de « maladie des services » et a été développé par l’économiste américain William Baumol. Pour l’illustrer, Baumol qui est aussi un économiste de l’art prenait l’exemple d’un quatuor à cordes dont la productivité n’a guère changé depuis trois siècles, si on veut bien admettre que le spectacle vivant n’est pas réductible à sa reproduction sur écran.




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