Pierre Pestieau
Depuis quelques temps la mode est à la rigueur de l’analyse économique dans
la presse française. Lors de la dernière campagne présidentielle, un
journaliste de France 2 (1) a fait sa réputation en contredisant les propos des
deux candidats à la présidence de la République au travers de graphiques et de
statistiques perçus comme inattaquables. Plusieurs journaux ont maintenant des
rubriques dans lesquelles ils passent au crible les assertions de politiques de
droite comme de gauche. Il m’arrive de consulter ces rubriques et d’être frappé
par le fait qu’elles ajoutent souvent de la confusion à la confusion (2). J’y
vois deux raisons. La complexité des questions abordées et la relative incompétence
des chroniqueurs.
Un exemple classique concerne la fameuse courbe du chômage. Il est
important de prendre les meilleurs indicateurs du chômage et, si on en étudie
l’évolution, de veiller à ce qu’en cours de période, il n’y a pas eu de
changement de définition. Mais en plus, il convient de rappeler que le chômage
« effectif » peut être dissimulé de diverses manières et qu’il vaut
mieux utiliser le concept de taux d’emploi ou de non emploi où la plupart des
manipulations sont mises au clair. Par exemple, de nombreux actifs entre 55 et
65 ans ne sont pas considérés comme des chômeurs alors qu’ils auraient souhaité
continuer de travailler, mais en tant que préretraités. Ils apparaîtront dans
la statistique du non-emploi.
Un exemple de correction douteuse
nous est donné par les articles fustigeant deux dossiers consacrés à la France
par Newsweek, ce grand hebdomadaire américain
devenu électronique. Plutôt que de retenir l’essentiel de la critique, avec
laquelle toute personne de bon sens est d’accord, les censeurs se sont attaqués
à des détails avec un ton inutilement agressif. Témoin ce titre du Monde daté du 7 janvier 2014: « The fall of Newsweek 2. Quand l’hebdomadaire s’acharne et se
trompe à nouveau ». Le quotidien ajoutait : « Quelques jours après avoir publié un
article truffé d’erreurs sur le
déclin de la France », l’hebdomadaire américain Newsweek remet le couvert avec un
deuxième texte (3), évoquant cette fois « comment la nation du coq
est devenue autruche ». Les erreurs signalées m’ont paru mineures,
négligeables, souvent mesquines au
regard de la critique sévère que Newsweek
faisait de la France.
Dix mois plus tard, il
semblerait que le diagnostic de l’hebdomadaire américain paraît bien clément.
(1) Il s’agit de François Lenglet qui depuis est devenu
le « Monsieur éco » de France 2.
(2) Dans Libération,
cette rubrique s’intitule Desintox et
dans le Monde, Les décodeurs.
(3)
http://decodeurs.blog.lemonde.fr/2014/01/07/the-fall-of-newsweek-2-quand-lhebdomadaire-sacharne-et-se-trompe-a-nouveau/
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