mardi 4 novembre 2014

Trois « bonnes » idées qui s’avèrent « mauvaises »


Victor Ginsburgh

Nos idées sont toute faites et souvent nous n’en percevons que l’impact direct ou immédiat, sans nous rendre compte des retombées secondaires, qui peuvent rendre négatifs les effets globaux. 

Première mauvaise idée : Ne plantez pas d’arbres
pour sauver la planète (1). Des millions de dollars sont consacrés à des programmes de réduction de la déforestation, qui compte pour quelque 20% des émissions de dioxyde de carbone. Mais l’idée que replanter peur réduire les émissions est erroné : « le cycle du carbone, de l’énergie, de l’eau, des terres et de l’atmosphère est bien plus compliqué et les interactions peuvent au contraire renforcer le réchauffement si les plantations de nouvelles forêts sont importantes […]. Replanter dans les tropiques permet de refroidir, mais l’inverse est vrai dans les régions plus fraîches ». En outre, les arbres émettent des gaz qui contribuent à la pollution de l’air, se mélangent aux gaz émis par la circulation automobile et créent un cocktail encore plus nocif. La conclusion de l’article du NYT est saisissante : « même si l’on pouvait éliminer totalement la photosynthèse, le contenu en oxygène de l’atmosphère se modifierait d’un pourcent à peine […]. La forêt amazonienne produit une quantité d’oxygène durant la journée, qui est réabsorbé durant la nuit : le système est fermé ».
Deuxième mauvaise idée : Les ampoules LED ne vont probablement pas réduire la consommation totale d’électricité (2). Les trois physiciens à l’origine de leur invention viennent d’obtenir le Prix Nobel de Physique 2014 : « Le remplacement des ampoules ordinaires et des tubes fluorescents par des ampoules LED va conduire à une réduction drastique de la demande d’électricité requise pour l’éclairage », soutient le Comité Nobel. Mais comme l’expliquent Schellenberger et Nordhaus, deux spécialistes de l’environnement (3) dans leur article du NYT, la réduction d’énergie par unité d’éclairage sera largement compensée par l’augmentation de la demande, comme cela a été le cas lors de chaque nouvelle invention technologique (passage du gaz d’éclairage à l’électricité notamment). C’est ce que fait observer aussi l’Agence Internationale de l’Energie, qui estime que la consommation supplémentaire engendrée par l’économie due aux LED risque de se retourner contre nous et d’accroître de plus de 50% la demande d’énergie par rapport à ce qu’elle est aujourd’hui. Bien sûr, les catégories les moins aisées de la population mondiale en profiteront (enfin), mais il faut être sans illusion quant à l’effet global (4).

Troisième mauvaise idée : La voiture électrique. Elle
devient économiquement rentable par rapport à la voiture ordinaire uniquement si l’on parcourt au moins 20 000 Km par an (5). Oui me direz-vous, ça c’est un calcul économique, mais sur le plan écologique, elle est plus efficace. Et bien, même pas. Les métaux qui composent la batterie (notamment le lithium) sont dangereux et les batteries ne peuvent (pour le moment) pas être recyclées en raison du coût et de la complexité de l’opération. En outre, si la voiture est rechargée avec de l’électricité provenant d’une centrale au gaz ou au charbon, « l’équation écologique se renverse au profit du véhicule diesel ou essence ». 

Trois cas qui relèvent de ce que les économistes appellent les « effets d’équilibre général », qui permettent de calculer les conséquences globales d’une mesure sur l’ensemble de l’économie, et pas uniquement les effets immédiats ou directs. De temps à autre, les économistes sont sérieux quand même…


(1) Nadine Unger, To save the planet, don’t plant trees, The New York Times, September 19, 2014. http://www.nytimes.com/2014/09/20/opinion/to-save-the-planet-dont-plant-trees.html

(2) Michael Shellenberger and Ted Nordhaus, The problem with energy efficiency, The New York Times, October 8, 2014.


(4) L’article de Nordhaus et Shellenberger dans le NYT a fait l’objet de contestations, également publiées par le NYT, que personnellement je ne trouve pas très convaincantes. Mais, qui suis-je?
Voir Andrew Revkin, Is There Room for Agreement on the Merits and Limits of Efficient Lighting, The New York Times, October 21, 2014. http://dotearth.blogs.nytimes.com/2014/10/21/is-there-room-for-agreement-on-the-merits-and-limts-of-efficient-lighting/?nlid=33216102&src=recpb



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