mercredi 19 novembre 2014

Y a toujours plus gros que soi

Pierre Pestieau

Excusez-moi, voulez vous ma salade?

Je ne suis pas mince loin s’en faut. Et pourtant deux expériences inconfortables me sont récemment arrivées sur des vols aller-retour Washington-Philadelphie. Petits avions de US Airways. Vol heureusement court, moins d’une heure. Dans les deux cas j’avais hérité du siège hublot et je m’étais assis le premier. C’est alors que la catastrophe s’est produite deux fois à l’identique à part le sexe. Une personne obèse (une femme à l’aller et un homme au retour) essaie de s’asseoir, n’y parvient pas et me demande de relever l’accoudoir ce que je fais de mauvaise grâce. Elle se laisse tomber en empiétant sur mon espace que j’occupais déjà amplement. Chacune sort de sa serviette une extension de la ceinture de sécurité qu’elle devait visiblement utiliser fréquemment et qui lui permet d’éviter l’embarras de la demander à l’hôtesse de l’air.

Avec bonne grâce (pas de jeu de mots), j’ai pris mon mal en patience en cherchant des solutions à cette situation. Pourrait-on à l’embarquement signaler la largeur de ses hanches et éviter des appariements malheureux ? Un programme informatique n’aurait aucune peine à procéder à une allocation optimale. Mais je me rendais aussitôt compte que ce serait difficilement applicable. Chacun aurait tendance à exagérer ses mensurations pour tomber sur un(e) maigrelet(te). Dois-je ajouter que l’un et l’autre avaient l’air contrit ; ma réaction aurait sans doute été différente si, tout en empiétant sur mon espace vital, il ou elle avaient boulotté chips et cacahuètes.

Quoiqu’il en soit, rentré à Washington, je parle de ces incidents à une connaissance. Sans hésiter, elle me répond qu’elle n’aurait jamais accepté de relever l’accoudoir et que ce genre de personnes devrait payer un supplément voire le double tarif. Ajoutant que de la sorte cela les forcerait à mieux contrôler leur poids. Je me suis alors rappelé que nous étions aux Etats Unis ou la tendance est d’imputer les handicaps de tous ordres à la responsabilité des individus et non à la malchance. Quand je fis remarquer à mon interlocuteur que l’origine de cette obésité pouvait être métabolique, il accueillit mon propos avec scepticisme.


Il existe aujourd’hui une abondante littérature économique sur les causes de l’obésité, ses implications et les moyens d’y remédier. Les données sont de bonne qualité  et les méthodes statistiques sont indiscutables. En revanche, l’interprétation des résultats et la facilité à rendre responsable et donc à culpabiliser l’obèse me paraît d’un simplisme accablant. C’est un domaine où l’économiste aurait beaucoup à gagner de la psychologie.

1 commentaire:

  1. Il n’y a pas que les économistes qui devraient faire preuve de plus de psychologie. Certains médecins, des décideurs politiques (qui tiennent les cordons de la bourses des traitements) et la société en général stigmatisent encore, au XXIe siècle, les obèses, alors que l’OMS a placé l’obésité dans le top 10 des facteurs de risque, et souligné son origine multiple il y a plus de dix ans.

    Quant aux Etats-Unis, on peut sans doute leur faire des reproches, mais la lutte contre l’obésité y est menée tambour battant, ne serait-ce que parce que les décideurs compris l’impact …économique de ce fléau.

    Par ailleurs, il paraît que des compagnies aériennes font payer deux places aux obèses, mais je n’ai pas vérifié.

    Maximilien Kutnowski

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