Victor Ginsburgh
Il y a quelques années, peu d’années, j’ai croisé (rencontré ?) Chantal
Akerman sur la plateforme d’un train de Bruxelles à Paris. Sans la reconnaître
immédiatement, puisque je ne l’avais jamais vue qu’en photo, je l’entends
soudain me dire : « Vous êtes Juif, n’est-ce pas? ». « Oui,
bien sûr », ai-je répondu, « comment voyez-vous (ou savez-vous) cela ? »
Et puis les paroles se sont effacées parce que le train arrivait en gare de
Paris Nord, et pressés par le temps, l’un et l’autre, et par les autres, nous
nous sommes perdus de vue sur les quais. Mais j’ai, par la suite, très souvent
pensé à elle et à ce très et trop court dialogue.
Voilà comment les choses se passent dans la diaspora, où que l’on soit,
même dans un train entre Bruxelles et Paris, pas sur la terre,
mais avec
la terre qui roule sous le train. Aucun besoin de terre, surtout pas de la
‘terre d’Israël’, mais un besoin de parler.