mercredi 24 juin 2015

La réforme fiscale est une chose trop grave pour être confiée aux hommes politiques

Pierre Pestieau

Tout le monde connaît le mot de Georges Clemenceau : « La guerre est une chose trop grave pour être confiée à des militaires. » Il en est de même me semble-t-il de la réforme fiscale. Elle ne devrait pas être confiée aux hommes politiques. Il y a bien sûr le danger de passer pour populiste avec une telle affirmation mais les exemples récents semblent l’avérer. Une réforme fiscale est une chose grave à plusieurs égards. D’abord elle est complexe puisqu’elle exige le respect de nombreux équilibres et la prise en compte des réactions diverses des contribuables. Elle est délicate parce qu’elle implique nécessairement la remise en question de niches, privilèges et avantages fiscaux. Or on sait que derrière chaque niche se cachent des forces politiquement puissantes.  Elle réclame donc beaucoup de courage de la part de celui qui l’entreprend ; il y perdra sans doutes son poste de ministre ou de président. Elle se heurte en outre à un paradoxe puisqu’elle veut mener à plus de transparence et tout à la fois elle s’appuie sur l’idée peu démocratique qu’un bon impôt doit être inodore, inaudible, invisible. Selon l’adage, on ne peut pas ne pas l’entendre, ne pas le voir, ne pas le sentir. Les libéraux américains redoutent notre bonne vieille TVA. Ils la redoutent parce qu’elle ne touche pas les contribuables comme le font les impôts sur le revenu ou les droits de succession. De ce fait, le contribuable ne pourrait  contraindre l’Etat à ne pas trop dépenser. Or la TVA comme toute taxe sur la consommation tend à être relativement régressive sans pour autant être plus efficace. On le voit, c’est très simple.


Il n’est dès lors pas surprenant que le gouvernement, les partenaires sociaux, les medias et leurs experts patentés enfument le public avec des propositions apparemment nouvelles, souvent simplement ripolinées, qui ont toutes les mêmes caractéristiques : elles ne seront pas votées ou si elles le sont, elles perdront toute substance.

En Belgique on a ainsi parle d’introduire la CSG française (1), une TVA sociale, un cadastre des fortunes incluant toutes celles qui se cachent et tout récemment on a voulu procéder au fameux tax shift. Si je comprends bien ce que cette dernière expression, il s’agit de diminuer des impôts inefficients et d’en augmenter d’autres qui le sont moins. Tout le monde s’entend sur les impôts qu’il faut baisser. En revanche, l’entente disparaît dès lors qu’il faut énumérer les taxes à augmenter.

Pourquoi ne pas utiliser la vieille recette ? On comblera le manque à gagner par une lutte encore plus énergique contre la fraude fiscale.


(1) La CSG (contribution sociale généralisée) est assise sur un ensemble de revenus plus large que ceux couverts par la sécurité sociale ou l’impôt sur les revenus : les revenus d'activité et de remplacement (pour l'essentiel), mais aussi les revenus du patrimoine et les produits de placement

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