jeudi 25 juin 2015

Wall Street est de retour, presque aussi grandiose que par le passé

Victor Ginsburgh

Vous reconnaîtrez que le titre emprunté au New York Times (1) est une bonne nouvelle pour nous tous. Wall Street renaît de ses cendres : les salaires des jeunes recrues universitaires ont grimpé de 20 pour cent au printemps et le nombre d’employés est revenu au niveau d’avant la crise de 2007; le salaire moyen de ces heureux gagnants est quatre fois supérieur à celui de la moyenne de Américains ; les bureaux du World Financial Center,  dont le taux d’occupation était tombé à 60 pour après 2007 est repassé à 95 pour cent, et les affaires sont excellentes, malgré les amendes significatives que certaines banques ont encourues. Bref, tout va bien, sauf que les banquiers se plaignent de certaines règles qui, hélas, les freinent un peu, mais le secteur a repris la taille qu’il avait avant 2007.


 C’est formidable, sauf qu’un rapport récent du Fond Monétaire International conclut que le secteur bancaire est trop important, aussi bien aux Etats-Unis que dans bon nombre d’autres grands pays. Et que l’économiste Luigi Zingales, président de l’Association Américaine de Finance a annoncé, dans son discours d’ouverture du congrès annuel, « qu’il n’y avait aucune raison théorique ou empirique de croire que la croissance du secteur financier durant les 40 dernières années s’était avérée positive pour la société américaine ».

Dans un autre rapport daté d’avril 2015 (2), le FMI explique que « durant ces six derniers mois, les événements positifs et négatifs n’ont pas manqué sur le front macroéconomique et financier. Au final, les risques qu’ils font peser sur la stabilité financière se sont accentués… et basculent » et « les instances de règlementation boursière devraient passer à un mode de supervision plus volontariste, s’appuyant sur les normes internationales en la matière et des statistiques et indicateurs de risques améliorés. Il convient de réexaminer le rôle et l’efficacité des outils de gestion des risques existants, y compris les exigences de liquidité, en tenant compte de la contribution du secteur au risque systémique et de la diversité des produits. »

Le "bull" de Wall Street : vue arrière
Tout ça ne contribue pas à nous sortir de l’auberge, pas plus que les nouvelles prévisions de croissance annoncées par l’OCDE (3): « L’incapacité à enclencher un redémarrage plus soutenu de l’activité a eu des coûts très concrets en termes de pertes d’emploi, de stagnation du niveau de vie dans les économies avancées, de moindre vigueur du développement dans certaines économies émergentes et de creusement des inégalités presque partout. »

Comme l’écrit Paul Krugman dans un article récent du New York Times (4), « durant ces dernières années, nous avons appris que les idées les plus mauvaises ont une remarquable force d’inertie ; même si elles sont contredites par la réalité, ce sont elles qui régissent notre monde ».

Garez votre porte-monnaie et préparez vos mouchoirs. En espérant qu’ils ont un peu séché depuis 2007. En attendant que nous devenions tous grecs.

(1) Neil Irwin, Wall Street is back, almost as big as ever, The New York Times, May 19, 2015. 
(2) Rapport sur la stabilité financière dans le monde, Résumé analytique, Avril 2015 .

(4) Paul Krugman, Seriously bad ideas, The New York Times, June 12, 2015.

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