mercredi 19 août 2015

« Nous sommes tous des immigrés »

Victor Ginsburgh


L’île de Kos en Grèce et celle de Lampedusa en Italie
La "jungle" à Calais, 2015
étouffent sous les flots de réfugiés. Il y a aussi Calais et sa « jungle » où la « passe » se paie 2 à 5 euros (1); Tournai et le refus de recevoir 700 réfugiés exprimé par son bourgmestre empêché parce que devenu Ministre-Président de le Fédération Wallonie-Bruxelles (le tout avec des majuscules, bien sûr) ; les caméras réinstallées à Nieuport pour surveiller les immigrants ; l’Union Européenne et son rejet de l’idée de quotas de répartition et son « acceptation » de recevoir 40.000 réfugiés durant les deux prochaines années, alors que quelque 120.000 sont déjà arrivés par la Grèce et l’Italie durant les sept derniers mois de l’année 2015 et 107.000 rien qu’en juillet ; la Hongrie qui construit une clôture le long des 170 Km de sa frontière avec la Serbie.

Politiciens et eurocrates de tous les bords, voici quelques éléments dont vous pourriez vous souvenir quand vous prenez vos décisions d’accueil :

(a) Ce que disent les recherches sur notre origine :

« Il y a six millions d’années, une unique guenon [africaine] a procréé deux filles. L’une est devenue l’ancêtre de tous les chimpanzés, l’autre est notre grand-mère » (2).

Alors que l’Homo sapiens avait immigré vers l’Europe il y a 40.000 à 60.000 ans depuis l’est africain, l’« européen » n’était pas encore uniformément blanchâtre il y a 7.000 ans. Le séquençage récent de l’ADN d’un squelette qui date d’il y a 7.000 ans découvert en Espagne suggère que la peau de l’européen était encore noire (3).

(b) Ce que dit le poète et écrivain italien Erri de Luca (4):

« Un jour, on trouvera le moyen de remonter les générations et de reconstituer le buisson des croisements qui nous ont précédés et, en grande partie, déterminés. Etre le descendant de greffes multiples sera alors un titre et la noblesse tiendra au fait d’avoir trouvé dans son propre cadastre ancestral le plus de souches, le plus de peaux, le plus de religions ».

(c) Ce qu’a dit un émigré d’un passé qui n’est pas si lointain :

Le "jungle" à Ellis Island, début du 20e siècle
A Ellis Island, dans la baie au sud de Manhattan où sont arrivés les millions d’immigrants entre 1892 et 1954, il y a un musée de l’immigration dans lequel se trouve affichée un plaquette qui rapporte une phrase prononcée par un immigrant napolitain : « On m’avait dit que les rues de New York étaient pavées d’or. Quand je suis arrivé, j’ai constaté trois choses. Premièrement : qu’elles n’étaient pas pavées d’or. Deuxièmement : qu’elles n’étaient pas du tout pavées. Troisièmement : que c’était moi qui devrais les paver » (5).

C’est peut-être un des immigrants dont les enfants et petits-enfants paient les impôts qu’il faut pour assurer aujourd’hui notre sécurité sociale et nos pensions de retraite.


(1) Julia Pascual et Matthieu Suc, Dans la « jungle » de Calais, l’ombre de la prostitution, Le Monde, 13.08.2015 http://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2015/08/13/dans-la-jungle-de-calais-l-ombre-de-la-prostitution_4723112_1654200.html#KcpF0xlCykVpSXuS.99

(2) Yuval Harari, Sapiens : A Brief History of Humankind, London: Harvill Secker, 2014.

(3) Inigo Ilalde et al., Derived immune and ancestral pigmentation alleles in a 7,000-year-old Mesolithic European, Nature 507, 225–228 (13 March 2014) doi:10.1038/nature12960

(4) Erri de Luca, Un nuage comme tapis, Paris : Gallimard, 2015, pp. 133-134.

(5) Raconté par Erri de Luca, Les saintes du scandale, Paris : Mercure de France, 2013, p. 10.

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