jeudi 10 septembre 2015

Réflexions sur la question des réfugiés

Victor Ginsburgh

L’auteur d’un courageux article paru dans le
New York Times du 5 septembre 2015 écrit notamment que les « Etats-Unis et leurs alliés en guerre contre l’Etat Islamique de Syrie, ont aussi des responsabilités envers les réfugiés. Si nous avons armé les rebelles syriens, ne devrions-nous pas également aider ceux qui essaient d’échapper au conflit. Si nous n’avons pas été capables de rétablir la paix, ne pouvons-nous pas aider un peuple qui attend depuis si longtemps cette paix ? Blâmer les Européens est un alibi et le reste de nos excuses — les réfugiés n’ont pas les documents qu’il faut —me rendent malade » (1).  Les Etats-Unis ont jusqu’ici accepté 1 500 réfugiés sur les quelque 4 millions de déplacés.

Exception faite de la Jordanie, du Liban, de l’Egypte et de la Turquie, les pays du Moyen-Orient ne se sont pas poussés au portillon pour accueillir les réfugiés. Au fond, c’est bien ce qu’ils ont fait et continuent de faire avec les réfugiés Palestiniens depuis 1948. Pourquoi changeraient-ils ?


La Hongrie et la Bulgarie se sont informées chez le grand spécialiste israélien ès clôtures et murs en tous genres sur la qualité du matériel qui a été utilisé pour construire la barrière sur la frontière d’Israël avec l’Egypte : hauteur 5 à 6 mètres, surmontée de fils de fer barbelés et équipée de caméras et de capteurs de mouvements. Les coûts d’un telle clôture s’élèvent à 1,9 millions de $ par km (2). Pas pour rien : on peut imaginer que ces deux pays auront l’idée de demander à l’Union Européenne un financement pour cet investissement très prometteur.

Cette même Hongrie semble avoir oublié que presque à la fin de la guerre deuxième guerre mondiale (en avril 1944) elle ne s’est pas comportée de façon exemplaire avec les Juifs. Elle oublie aussi qu’en 1956, 200 000 réfugiés hongrois ont été accueillis par les autres pays. Ce qui devrait leur permettre d’accueillir 200 000 Syriens, non ?

La Haute Cour de Justice israélienne a imposé la relaxation de quelque 1 200 réfugiés africains détenus depuis plus d’un an. Ces réfugiés sont munis de papiers à peu près en règle, mais ne peuvent pas mettre le pied ni à Tel Aviv ni à Eilat, dans le sud du pays (3). Netanyahou déclarait il y a peu qu’« Israël était trop petit pour être submergé par des infiltrés, des travailleurs immigrés et des terroristes », ce à quoi le député et président du parti travailliste Herzog a répondu « Vous avez oublié ce que cela signifie ‘être Juif’ » (4). Ce qui n’empêche pas Netanyahou d’avoir commencé à construire un mur de plus à la frontière jordanienne.

Il est vrai que deux des amateurs républicains qui se sont lancés dans la course présidentielle aux Etats-Unis proposent un mur sur les frontières : Donald Trump en aimerait un sur la frontière mexicaine, tandis que Scott Walker le verrait bien sur la frontière canadienne (5). Pas une mauvaise idée, ça donnerait du travail à plein de chômeurs, les frontières sont très longues.

Et puis il y a la proposition de M. Crepinko, responsable de la lutte contre les réseaux de crimes organisés à l’Office européen de police (Europol), que « notre première priorité est de lutter contre une armée de 30 000 passeurs suspectés de traite humaine » (5). C’est certainement vrai mais il y avait aussi, et heureusement, des passeurs vers la Suisse et l’Espagne qui ont aidé pas mal de réfugiés à échapper au nazisme. Où sont les honnêtes hommes et femmes qui se proposent de jouer aux passeurs ?

La porte parole de l’agence européenne de surveillance des frontières, Mme Cooper affirme que le business de passeur est « probablement plus profitable que le trafic d’armes » (6). Il n’est bien sûr pas question ici des armes exportées et utilisées le plus « légalement » du monde par l’Europe, les Etats-Unis et bien d’autres pays. Mais il s’agit là d’armes qui ne tuent pas, évidemment !

La Suisse va accueillir 500 réfugiés syriens. Les premiers arriveront au plus tôt en octobre (7)…


(1) Micael Ignatieff, The refugee crisis isn’t a ‘European problem’, The New York Times, September 6, 2015. http://www.nytimes.com/2015/09/06/opinion/sunday/the-refugee-crisis-isnt-a-european-problem.html

(2) Dan Williams, Interested in Israeli border barriers, Haaretz, September 3, 2015

(3) Jack Moore, Israel bans African migrants from two major cities, Newsweek, August 24, 2015.

(4) Barak Ravid, Netanyahou: Israel is too small to absorb Syrian or African refugees, Haaretz, September 6, 2015. http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/.premium-1.674717

(5) Thomas Friedman, Walls, borders, a dome and refugees, The New York Times, September 9, 2015. http://www.nytimes.com/2015/09/09/opinion/thomas-friedman-walls-borders-a-dome-and-refugees.html

(6) Mettre fin au business mortel et très lucratif des 30.000 passeurs, une priorité pour l’Europe, Le Vif, 6 septembre 2015. http://www.levif.be/actualite/international/mettre-fin-au-business-mortel-et-tres-lucratif-des-30-000-passeurs-une-priorite-pour-l-europe/article-normal-414635.html


(7) La Suisse va accueillir 500 réfugiés syriens, Le Matin, 7 septembre 2015. http://www.lematin.ch/suisse/suisse-accueillir-500-refugies-syriens/story/15429318

3 commentaires:

  1. Sciences molles ?
    Les sciences humaines sont parfois opposées aux sciences dures, telles celles de l'ingénieur en Ponts et Chaussées ou celles du mathématicien. Mais s'il est un domaine où les sciences humaines se rigidifient quelque peu, c'est bien celui de la démographie.
    Et s'il est un ouvrage dont la lecture s'impose toutes affaires cessantes, c'est encore bien plus celui dont Alfred Sauvy a été l'auteur en 1987 : "L'Europe submergée: le Nord et le Sud dans 30 ans". Toutes les choses qui nous arrivent pour le moment, notamment en Europe, y sont parfaitement décrites.
    Malheureusement, le livre n'est même plus trouvable en brocante.
    Une chance pour nos politiciens "court termistes"?

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  2. merci à l'anonyme pour la référence à Afred Sauvy. Merci aussi à Victor pour les rapprochements entre réfugiés, USA, Hongrie, Israël (entre autres: les autres ne pensent pas à de murs de béton mais en érigent des formels grâce au manque de prise de conscience et de règles policières incompréhensible. Ma fille me disait, et si, pour donner un sens à ta vie tu t'occupais de réfugiés: elle m'a bien pris au piège! Oui, ça me touche (j'en ai été un) mais comment m'occuper de la dizaine de personnes qui occuperaient l'appartement d'Aix que je loue pour rien et où ils trouveraient sans doute plus aisément du travail. Or, je crois que c'est à ce niveau que le problème se pose: individue!l comme le faisaient les passeurs que Victor évoque pendant la dernière guerre mondiale.
    Aïe, ça fait mal de mettre en cause notre petit confort! alors vive Pétain?

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    1. Bonjour Robert,

      Je ne me cache pas derrière l'anonymat, je me suis perdu dans les acronymes proposés par le programme de réponse.
      Dommage que vous n'ayez pas pu jeter un coup d’œil sur le chapitre IX de cet ouvrage, Alfred Sauvy y propose des solutions et on aurait disposé de 30 ans pour les tester.
      Pour ma part, je ne pense pas que l'alternative soit "notre petit confort" ou "Pétain".
      A Bruxelles, il y a pas mal d'associations qui font appel au volontariat pour venir en aide aux réfugiés, mais est-ce une réponse suffisante?

      Alain Tonnet

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