jeudi 8 octobre 2015

Fausses vérités ou l’inverse : Beethoven avait des origines africaines

Victor Ginsburgh

Les chercheurs en musicologie et en littérature s’amusent
au moins autant que les économistes à fantasmer sur des hypothèses. Mais ils sont moins dangereux et les crises qu’ils provoquent sont souvent plus drôles.

Les sonates pour piano de Beethoven (Ludwig van) contiendraient des rythmes africains (1). C’est semble-t-il une vieille histoire. Pas étonnant, Ludwig serait le fils de Frédéric II de Prusse (2) et d’une de ses servantes africaines. Pourquoi pas ? Mais malchance, le prince Frédéric était connu pour être cent pour cent gay. Mais un bref moment d’égarement suffit…

Je me souviens avec beaucoup de plaisir d’un concours d’élocution dans mon lycée d’Afrique où un certain Claude N. avait « élocuté » sur le thème « Molière était-il Louis XIV », ou l’inverse, ce qui revient presque au même. N’était-ce pas, soutenait-il, Louis XIV qui écrivait ce qu’un certain Jean-Baptise Poquelin, dit Molière jouait ? C’était étonnant mais tout à fait crédible, parce que quand même, comment le Roi Soleil pouvait-il laisser quelqu’un se moquer de sa cour, voire de sa personne. D’ailleurs le Roi lui-même est intervenu pour que Molière – qui ne pouvait être enterré à la chrétienne parce que comédien — obtienne un laissez-passer et, chrétiennement fût enterré. Donc tout cela était très vraisemblable, mais tout aussi vraisemblablement faux, même si c’était bien trouvé.


Pauvre Shakespeare. Est-ce lui ou Mary Sidney,
Seul portrait de Shakespeare qui date de son temps
comtesse de Pembroke, William Stanley, 6ème comte de Derby, Edward de Vere, 17ème comte d’Oxford, Francis Bacon, vicomte de Saint Albans, George Peele, John Fletcher ou Christopher Marlowe qui ont écrit les pièces (et les sonnets) de Shakespeare (3). Peut-être est-ce après tout une blague de plus d’Orson Welles déguisé en Macbeth ou en Othello, lui qui avait terrorisé en 1938 l’Amérique avec la lecture radiophonique du roman d’anticipation La Guerre des Mondes de H. G. Wells. On a aussi dit que les sonnets d’amour de Shakespeare étaient adressés à un homme. M’étonnerait quand même qu’Orson Welles ait été gay.

La très sérieuse « question homérique » comme on l’appelle est considérée comme importante. Elle porte sur la question « Homère a-t-il — ou ont-ils pour le cas où ils auraient été plusieurs à écrire l’Iliade et l’Odyssée — vraiment existé ? ». Une question un rien absurde, puisque l’on est d’accord aujourd’hui pour admettre que les deux épopées viennent de la tradition orale et que l’analyse des textes, même si elle est réalisée par ordinateur ne permet pas de dire s’ils étaient un ou plusieurs à la raconter et à l’écrire. De toute manière, il est impossible de remonter à la source. Rire homérique donc sur tous ceux qui depuis le XVIIIe siècle discutaient de l’unicité de ce dieu de la littérature universelle.

Je laisse à mes collègues historiens de la pensée économique le soin de vérifier la conjecture suivante : Est-ce que Tomas Piketty, Ronald Reagan, Karl Marx, et Milton Friedman sont une seule et même personne ? Il y a matière pour quelques années de débats et articles dans les meilleures revues, y compris le Journal of Political Economy. Et on vous citera encore dans 500 ans.

(1) Tom Service, Does Beethoven’ music reveal his African roots?, The Guardian, June 9, 2015.

 (2) William Niederkorn, To be or not to be… Shakespeare, Tye New York Times, August 21, 2004 http://www.nytimes.com/2004/08/21/theater/to-be-or-not-to-be-shakespeare.html


(3) Voir A. Choron et F. Fayolle, Dictionnaire historique des musiciens, Paris: Valade, 1810, p. 80.

1 commentaire:

  1. Mais quelle culture (les gens que tu cites pouvant avoir écrit Shakespeare). Et en plus, c'est drôle!

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