jeudi 28 janvier 2016

Cent années de béatitude. Le paradis sur terre

Aucun commentaire:
Pierre Pestieau

Les gamins de Bogota
Je m’apprête à retourner en Colombie pour le travail et le plaisir, comme on dit à propos de ce type de voyage où l’on joint l’utile à l’agréable, à moins que ça ne soit le contraire. La Colombie est un pays attachant. Je l’ai découverte indirectement lorsque dans le début des années 60, jeune étudiant à l’UCL, je fréquentais la Casa Colombiana, où l’on parlait de la révolution, de Marx et de Camilio Torres. Ce prêtre colombien, sociologue et militant de gauche passa par Louvain avant de rentrer au pays. Déçu du manque de résultats politiques de son action, il entra en clandestinité pour rejoindre la guérilla colombienne et mourut en 1966 lors d'une action militaire. C’était l’époque où la guérilla colombienne avait bien meilleure réputation qu’aujourd’hui. Je suis allé en Colombie ces dernières années et j’ai en effet trouvé un pays fort accueillant mais où régnaient pauvreté et inégalités et où existait un certain sentiment d’insécurité qui, il est vrai, a diminué récemment. Quelle ne fut donc pas ma surprise en découvrant qu’une enquête révélée par The Washington Post (1) classait la Colombie comme la nation la plus heureuse du monde « the happiest nation in the world ». Et le quotidien de signaler que c’est la deuxième année que la Colombie occupe cette place.

Je ne « monterai » pas en terre promise

Aucun commentaire:
Victor Ginsburgh

Erri De Luca dit (1):

« Le judaïsme a été pour moi une piste caravanière de consonnes accompagnées au-dessus et au-dessous de la ligne par un volettement de voyelles. Entre une ligne et l’autre, dans l’espace blanc, c’est le vent qui gouverne. C’est la voix réunie de tous ceux qui ont ajouté en marge un commentaire. L’écriture hébraïque finit avec un vaiàal, et il monta. En revanche, moi je descends ici. Je partage le voyage du judaïsme, pas l’arrivée. Pas en terre promise. Je ne m’approche pas de l’autel et des prières. »

Je ferai comme lui, je ne monterai pas (2), mais il n’est pas impossible que je demande à ma fille violoncelliste de jouer, le jour où il le faudra, le Kaddish (3) et à mon fils de le dire, comme je le dois à la tradition.

Pas que je veuille faire le même pari (stupide, comme écrivait Prévert) que Pascal. Je ne suis pas croyant et ne le deviens pas. Cependant, le judaïsme hérité de ma mère m’accompagne depuis longtemps. Et puis les premiers mots du Kaddish : ytgddl vytkddsh contiennent beaucoup de consonnes, dont le y (yod hébreu) qui peut être consonne ou voyelle, tout en étant toujours écrit sur la ligne.

Voici pourquoi je ne « monterai » pas (4).

jeudi 21 janvier 2016

« Radical », ce mot aujourd’hui si mal utilisé

3 commentaires:
Victor Ginsburgh

Je prends « radical » dans le vrai sens du mot, celui que lui donne mon vieux (1995) Nouveau Petit Robert : « qui tient à l’essence, au principe d’une chose, d’un être » avec comme exemple d’utilisation « L’instinct le plus radical dans l’homme, le désir de vivre (Suarès) ». Pas dans le sens donné (à tort) à ce mot de nos jours. Comme à bien d’autres de ma génération, être « radical » m’est arrivé bien des fois et à bien des époques. Par exemple…

La mère des guerres justes contre la dictature de Franco et de sa bande de meurtriers en Espagne. L’assassinat de Federico Garcia Lorca (1). Après le Viva la Muerte d’un auditeur applaudi par le général franquiste Millan Astray présent, le discours du philosophe Unamuno, recteur de l’Université de Salamanque :

« Je viens d’entendre un cri morbide et dénué de sens « Vive la mort ». Moi qui ai passé ma vie à créer des paradoxes, je trouve votre paradoxe répugnant… Vous êtes ici dans le temple de l’intelligence, et je suis son grand-prêtre. C’est vous qui profanez cet endroit. Vous vaincrez parce que vous possédez plus de force brutale qu’il n'en faut. Mais vous ne convaincrez pas. Car, pour convaincre, il faudrait que vous persuadiez. Or, pour persuader, il vous faudrait avoir ce qui vous manque le plus : la Raison et le Droit dans votre combat. Je considère comme inutile de vous exhorter à penser à l'Espagne. J'ai terminé. »

Et continue l’historien Hugh Thomas (2), « à la suite de ces mots, il y eut un long silence ». Comme dans l’Apocalypse de Jean, après que l’ange eut ouvert le septième sceau. Unamuno est mort peu de temps après.

Résister à ses démons

Aucun commentaire:
Pierre Pestieau

Après les tragédies de janvier et novembre 2015, la commotion était grande, quoi de plus naturel et de plus justifié. Dans ces deux circonstances, l’émotion a conduit la majorité des politiques, des analystes et des citoyens lambda à tirer des conclusions nécessairement hâtives. On retrouve le même ébranlement et les mêmes commentaires à l’emporte pièce quand il s’agit des atrocités de l’Armée Islamique. Comme le rappelle Todorov dans une remarquable interview à Libération (1), dans ce domaine il est important de raison garder. Il y affirme: « Les insoumis refusent de céder à l’adversaire, mais aussi à leurs propres démons ». C’est dans ce processus de réaction à froid que je voudrais rappeler quelques faits en évitant de conclure.