jeudi 28 avril 2016

Et ça recommence


Victor Ginsburgh

Comme on pouvait s’y attendre aucun problème n’est réglé. Les banques restent TBTF (too big to fail), la régulation n’a rien changé.

La Banque Centrale américaine (Fed) et la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), les deux institutions censées superviser les banques, annoncent que 5 des 8 plus grandes banques américaines « n’ont aucun plan crédible pour éviter la panique en cas de crise (1) » et que « la régulation des grandes banques est devenue une course contre la montre ; les régulateurs sont bien trop lents pour imposer les régulations financières imposées aux banques il y a six ans (2) ».

Les cinq banques visées (Bank of America, Bank of New York Mellon, JP Morgan Chase, State Street et Wells Fargo) dont les plans ont été rejetés, ont 90 jours pour les réviser « mais dans leur indulgence, les régulateurs leur ont donné 6 mois de plus, ce qui vient en supplément des 2 ans qui leurs avaient déjà été donnés » pour se mettre en ordre. Une autre banque, la Citygroup, a s’est vue attribuer un « passable » par les deux institutions (Fed et FDIC), alors que Goldman Sachs et Morgan Stanley un « passable » d’un seul des deux régulateurs. Ce qui n’a aucunement empêché les valeurs des actions de ces banques d’augmenter le jour même de l’annonce (13 avril), ce qui montre que le monde financier se fout des avis des régulateurs, parce qu’il n’y croit pas ou plus.


Ce qui ne fait que s’ajouter à l’avis de Mervyn King, ex gouverneur de la Banque d’Angleterre (de 2003 à 2013) qui « pointe l’impuissance croissante des banques centrales » et qui ajoute dans son interview au Monde que « nous ne savons pas d’où elle viendra, mais une nouvelle crise financière est probable (3) ». Les déséquilibres entre pays qui étaient déjà discutés avant la crise de 2008, se sont accentués et Mervin King de proposer de revenir aux taux de changes flexibles, ce qui est évidemment impossible en Europe en tout cas, tant que l’Euro nous dirige.

Une des solutions au problème de la zone Euro, ajoute Mervyn King, serait de mettre en place un gouvernement économique centralisé, « mais cette option n’a pas le soutien du peuple. Comment imaginer qu’un électeur espagnol soit prêt à appuyer un groupe de bureaucrates non élus à Bruxelles pour décider des dépenses budgétaires ».
Et des bureaucrates non élus, y’en a un gros paquet.

Pour la petite histoire, je viens de lire sur Le Soir (4) qu’un certain Monsieur Claude Marx, dont le nom est évidemment prédestiné, et qui est le « gendarme de la finance luxembourgeoise » a, dans le temps, « entretenu des liens étroits avec Mossack Fonseca et le monde offshore ». On me rétorquera qu’il n’y a pas de meilleur policier qu’un ancien voleur. Mais quand même…

Tout ceci dans une ambiance de liesse, où, avant-hier, a commencé le procès contre celui qui a dévoilé les procédure des tax rulings utilisées au Luxembourg (le LuxLeaks) ; où on apprend que la banque Dexia a continué ses affaires louches avec le Panama pendant que nous étions en train de payer pour la sauver de la catastrophe ; où nous attendons avec patience la prochaine crise grecque qui s’annonce et pour laquelle « les ministres de la zone Euro visent un accord jeudi », c’est-à-dire aujourd’hui (5). Ouvrez l’œil et les oreilles. Vous aller voir et entendre.


(1) N. Popper and P. Eavis, Regulators warn 5 top banks they are still to big to fail, The New York Times, April 13, 2016.
(2) Banks still too big to regulate, The New York Times, April 14, 2016.
(3) Eric Albert, Le cri d’alarme d’un ancien banquier central, Le Monde, 30 mars 2016.
(4) Joël Matriche, Le gendarme de la finance luxembourgeoise est lui aussi dans les Panama Papers, Le Soir, 26 avril 2016.

(5) Dette grecque : les ministres de la zone euro visent un accord jeudi, Le Point, 22 avril 2016.

1 commentaire:

  1. Merci Victor,
    Je continue à croire aux vertus du capitalisme et de la libre entreprise. Mais pas quand les leviers de commandes sont aux mains d'escrocs et de gens déloyaux qui ne pensent qu'à très court terme et à leurs intérêts. N'y a-t-il plus d'acte gratuit ni de morale dans le monde actuel ? Les égoïsmes individuels et stupides dominent.
    Toujours un plaisir de te lire.
    Amitiés
    Pierre

    RépondreSupprimer