jeudi 14 avril 2016

Paroles, paroles, …

Pierre Pestieau

Plutôt que le titre d’une chanson de Dalida, j’aurais pu prendre comme titre de ce blog cette maxime chiraquienne: les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Lors d’un récent colloque portant sur la dépendance, j’en appelais au développement d’une assurance sociale autonomie qui soit dans son ambition et son étendue aussi généreuse pour les personnes dépendantes que ne l’est l’assurance santé pour les malades. Les raisons sont connues; avec le vieillissement démographique, le nombre de personnes susceptibles de perdre leur autonomie ne cesse de croitre; il devrait doubler dans les prochaines décennies. Or dans ce domaine, il n’existe pas de marché d’assurance digne de ce nom en Belgique et la famille qui est le principal pourvoyeur de soins à la dépendance semble atteindre ses limites.


Il me fut objecté que la Wallonie allait tout prochainement se doter d’une telle assurance, suivant en cela les traces de la Flandre qui disposerait d’une assurance dépendance depuis plus de dix ans. Ce programme devrait voir le jour le 1er janvier 2017. Par le biais des mutuelles une cotisation générale obligatoire serait instaurée, elle serait payée par chacun a l’exception des mineurs d’âge. Son montant serait équivalent à ce que les Flamands paient, à savoir 50 euros.

Il y a de nombreuses années que l’on bassine l’opinion avec la promesse de développer une assurance dépendance. Ce n’est pas propre à la Belgique. Nicolas Sarkozy avait promis une assurance qui prendrait en charge ce qu’on appelait le cinquième risque, terme qui évoque un épisode de Blake et Mortimer bien plus que la perte d’autonomie. Depuis lors, silence plat. L’état des finances publiques françaises ne permet plus d’évoquer sérieusement le sujet.

Malheureusement, l’état des finances publiques wallonnes n’est guère meilleur et on doit dès lors anticiper que toute proposition d’une assurance dépendance ne pourra pas être à la hauteur de l’enjeu. C’est le cas de cette annonce.

Quelques chiffres. Avec une cotisation de 50 euros, il est difficile de penser que l’on pourra verser plus que des clopinettes aux personnes dépendantes dont le nombre devrait plus que doubler dans les prochaines décennies. Or le prix des maisons de retraite et de soins (en France on parle de maison de retraite médicalisée, communément appelée Ehpad (1)) continue d’augmenter. On l’évalue actuellement  quelque 1300 euros par mois et ce, après intervention de l’INAMI. En d’autres termes le coût total serait de quelque 2600 euros par mois.

Ajoutons à cela que ce prix correspond à un hébergement basique, avec des chambres qui par leur frugalité évoquent des cellules de moine. Pour plus d’espace, il faut payer davantage. En outre ce prix de 1300 euros ne couvre pas les inévitables suppléments qui ne sont pas des extras : certains médicaments, coiffure, sorties, abonnements, cadeaux,… Ce qui nous conduit à une somme de plus de 1500 euros, qui dépasse le montant de la retraite que touchent la plupart de Belges. Bien sûr, il y a toujours la possibilité pour ceux qui possèdent un bien immobilier de le réaliser, mais cela peut être insuffisant et veut dire qu’ils n’ont plus rien à transmettre à leurs enfants.

En fait, si l’on voulait développer une véritable assurance dépendance, il faudrait d’abord une cotisation nettement plus élevée que les 50 euros dont il est question. En outre il faudrait lui donner une structure fort différente de ce que l’on connaît aujourd’hui, à savoir le versement d’une somme forfaitaire modique chaque mois. L’idéal serait de suivre la prescription de l’économiste américain, Kenneth Arrow, sans doute le meilleur de sa génération. Pour Arrow, l’assurance optimale devrait couvrit la totalité des coûts de la dépendance au-delà d’un certain plafond, ce qu’on appelle une franchise. Cette franchise pourrait s’exprimer en mois de soins à la dépendance ou de coût d’une maison de retraite médicalisée. Elle permettrait ainsi à tout un chacun de garder un certain patrimoine à transmettre à ses enfants ou éventuellement à une cause humanitaire ou une fondation scientifique.


(1) Ehpad signifie « établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ».

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