jeudi 1 septembre 2016

Le sexe des anges

Pierre Pestieau

Je me souviens d’un professeur du secondaire qui nous avait longuement parlé de la chute de Constantinople. Selon lui, alors que Constantinople était assiégée par les Ottomans et allait tomber quelques semaines plus tard, la population se déchirait à propos du sexe des anges. Il est difficile de ne pas rapprocher cette évidente absurdité et ce qui se passe maintenant en France, plus que jamais fille ainée de l’Eglise, avec l’affaire du Burkini. Alors que le pays est littéralement assiégé par une multitude de problèmes, il se passionne pour une bêtise qui afflige le reste de la planète, comme le fait remarquer Victor avec humour et en payant de sa personne.


Il y a pourtant des débats qui valent la peine d’être menés. Par exemple la chaîne M6 devait-elle diffuser la “Rue des Allocs” le 17 août ? Ce documentaire était consacré aux habitants du quartier Saint-Leu, à Amiens. “Une enclave de pauvreté” dans la ville picarde, annonçait le communiqué de presse de la chaîne, qui décrit un  “quartier ouvrier frappé par la crise de 2008”, un “chômage endémique”, de la “misère”, mais aussi des “tranches de vie touchantes”, “sans fard”. En bref, la pauvreté comme si vous y étiez.

Ce documentaire est la version picarde de "Benefits Street" (littéralement, “rue des Allocations”), tournée à Birmingham en 2014 et diffusée par la chaîne publique britannique Channel 4. Elle y connut tout à la fois un succès et un tollé retentissants.

D’emblée, je dois admettre que je n’ai pas vu ce documentaire. J’en ai vu de larges extraits. Je me contenterai de faire quelques réflexions sur l’utilité de tels programmes. Première observation, la précarité est peu représentée à la télévision et quand elle l’est, elle l’est mal. Au cinéma, grâce à des auteurs comme Ken Loach on est mieux servi. Deuxième remarque, du fait que la « Rue des Allocs » est diffusée par une chaîne connue pour ses téléréalités trash, il est difficile d’éviter un a priori défavorable. Ceci dit, la précarité est une réalité dont la plupart d’entre nous avons une mauvaise perception qui peut aller de la compassion extrême à la culpabilisation facile. Dans cette émission, on nous montrait tout à la fois la manière dont les pauvres se débrouillent par la solidarité et les combines  et la malchance qui les accable.

On sait que vis-à-vis de la précarité, de l’invalidité et du chômage, deux attitudes extrêmes s’opposent : d’une part, ils (les pauvres, les chômeurs, les handicapés) sont responsables de ce qui leur arrive et d’autre part, ils n’ont pas de chance et de ce fait doivent être aidés, d’autant que ce la pourrait nous arriver. De ce que j’ai vu du documentaire, la première attitude me semble avoir été malheureusement privilégiée.

Quoi qu’il en soit, nous avons ici un sujet de débat. Faut-il davantage montrer la réalité de la précarité sur nos antennes et dans l’affirmative, comment ? Ca vaut mieux que de discuter 70 ans après l’introduction du bikini sur les plages des dangers que le burkini fait peser sur la société française.


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