jeudi 17 novembre 2016

Populisme et politique sociale

Pierre Pestieau

Depuis de nombreuses années, je m’intéresse à nos Etats providence, cet ensemble de programmes et de législations qui visent à lutter contre les inégalités et assurer la protection des individus contre les aléas de la vie. Dans cette démarche, je suis conscient des obstacles et des contraintes. Nos Etats poursuivent ces objectifs de protection sociale mais tout à la fois, et sans doute avant tout, ils servent les  marchés et les intérêts du capitalisme mondialisé. Cela se manifeste lors du sauvetage de banques et de sociétés d’assurance, lorsque des accords de libre échange sont signés et dans la manière dont la richesse est distribuée et taxée. Or la logique du capitalisme mondialisé est diamétralement opposée à celle de l’Etat providence puis qu’elle contribue à la croissance des inégalités et de l’insécurité.
Le principal allié de l’Etat providence a toujours été le vote démocratique. Historiquement, une majorité de citoyens votaient pour son maintien, voire pour son expansion, soit parce qu’ils y trouvaient leur compte, soit par altruisme. Or, cette donnée semble changer avec la succession des votes populistes auxquels on vient d’assister, le plus marquant étant celui qui a conduit à l’élection de Donald Trump.


Ce que semblent révéler ces votes, c’est qu’une partie de la population qui est censée bénéficier des programmes sociaux se détourne des candidats qui soutiennent ces programmes au profit de candidats qui explicitement se proposent de les supprimer. Témoin la promesse de Donald Trump de supprimer l’Obamacare, promesse sur laquelle il est partiellement revenu depuis son élection, mais est-ce crédible ?

Il apparaît clairement aujourd’hui qu’il existe dans la plupart des pays une indiscutable coupure entre les partis de pouvoir traditionnels, incluant les partis progressistes, et une partie des classes populaires. Cette coupure entraîne une méfiance telle que ces classes populaires préfèrent le discours démagogue d’un milliardaire qui leur promet la lune aux promesses d’une candidate qui certes n’était pas sans défaut (Victor s’est plu à le rappeler dans ces derniers blogs) mais qui n’avait nulle intention de réduire les dépenses sociales. Au contraire, elle s’engageait à pérenniser l’Obamacare.
Dans un blog précédent, j’ai eu l’occasion de signaler une série de travaux indiquant qu’un euro gagné par son travail avait bien plus de valeur qu’un euro cédé par l’Etat au travers de tel ou tel programme social. Cela voudrait dire que l’aspiration à une meilleure distribution des revenus primaires, à savoir des revenus directement liés à une participation des ménages au processus de production, est sans doute plus importante qu’on pouvait le penser. En d’autres termes, la promesse même illusoire d’un véritable plein emploi faite par Trump a pu être déterminante et faire oublier ses attaques contre les programmes sociaux.

Les Américains sont fascinés par la mobilité sociale, par l’enrichissement personnel, la responsabilite individuelle. Donald Trump incarnait ces valeurs à leurs yeux d’avantage qu’Hillary Clinton, alors que bien plus qu’elle, il est un héritier milliardaire.

Tout ceci pour dire qu’il nous faut peut être réfléchir à notre conception de l’Etat providence qui semble viser au bien-être de certains contre leur volonté.


Je terminerai par un petit problème. Imaginons que nous ayons derrière le voile de l’ignorance le choix entre deux mondes. Ces deux mondes ont la même redistribution de revenu primaire : 100 pour une moitié et 10 pour l’autre. Dans le premier monde, la redistribution sociale conduit à réduire l’inégalité de sorte que la première moitié a 50 et la seconde 40. Dans le second monde, il n’y a pas de redistribution. Pour quel monde opteriez vous ? L’électeur de Clinton aurait sans doute choisi le premier alors que celui de Trump aurait sans doute choisi le second.

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