mercredi 14 décembre 2016

Daniel Blake

Pierre Pestieau 

Moi, Daniel Blake (I, Daniel Blake) est un film franco-britannique réalisé par Ken Loach, qui a obtenu la Palme d'or au Festival de Cannes 2016. Il vient de sortir sur nos écrans. C’est un film bouleversant qui aborde le problème de l’exclusion et de la manière kafkaïenne avec laquelle elle est traitée. Loach a l’art de traiter de sujets sérieux, tragiques avec toujours un certain humour et une lueur d’espoir. Cela le différencie des Frères Dardenne qui abordent souvent les mêmes problématiques de la précarité et du chômage. L’histoire se passe dans le Royaume-Uni des années 2010. En sortant de ce film, je ne pouvais pas ne pas me demander si les mêmes situations pouvaient se produire en France et en Belgique.

Daniel Blake, veuf, menuisier de 59 ans, est victime d'un accident cardiaque, qui l'oblige à faire appel pour la première fois de sa vie à l'aide sociale. Ses médecins lui interdisent de travailler. Mais il est déclaré apte par une compagnie privée sous-traitant pour l'administration la « chasse aux tire-au-flanc». Très rapidement Blake est  pris dans le piège d’une administration tatillonne qui multiplie les humiliations. Il finira par en mourir d’une crise cardiaque dans les toilettes d’une agence d’emploi. On trouvera dans sa poche ce  texte lapidaire « Je suis un homme, pas un chien. Un citoyen — rien de moins et rien de plus.»


Ce calvaire de Blake est atténué par l’amitié qui le lie à une mère célibataire sans emploi, contrainte de loger à 450 km de sa ville natale pour éviter d'être placée en foyer de sans-abri, ce qui lui ferait perdre la garde de ses deux enfants. Pour un retard de 5 minutes, elle se verra privée de ses allocations, ce qui la poussera à se prostituer. Daniel et Katie vont s'entraider tout au long du film.

Un homme relevant d’une crise cardiaque et une mère célibataire sans emploi peuvent-ils être privés d’aide et conduits l’un à la mort et l’autre à la prostitution dans nos Etats providence ? Ma lecture de l’histoire récente est que cela ne pourrait pas arriver aujourd’hui étant donné le filet de sécurité qui caractérise nos systèmes de protection sociale. Ce qui n’exclut pas que chaque année on trouve des SDF morts de froids, que des malheureux meurent faute de soins adéquats et que des parents se suicident parce qu’ils ne parviennent pas nouer les deux bouts. Cela demeure de bien tristes exceptions. En revanche, à l’avenir si l’on continue à rogner sur les dépenses sociales et priver malades et chômeurs de leurs droits, nous pourrions compter un nombre croissant de Daniel et Katie.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire