dimanche 4 mars 2018

Les nouveaux missionnaires


Pierre Pestieau

Quand j’étais enfant, nous recevions régulièrement un lointain cousin qui était missionnaire dans ce qu’on appelait alors le Congo Belge, celui de Tintin. C’était un père blanc qui n’avait pas la bonhomie de celui représente par Hergé. Il avait une haute idée de son rôle auprès de ceux qu’il décrivait comme des sauvages païens et incultes, mais heureusement « convertibles ». Mes parents ne pouvaient refuser de lui acheter chaque année un affreux calendrier au nom évocateur de « Grands Lacs » qui sont pourtant très beaux.

Maintenant que je suis « grand », mon regard a changé sur l’action de ces missionnaires. Comme beaucoup, je la perçois comme paternaliste et ne parviens pas à lui reconnaître de grands mérites.


Depuis plusieurs années, je passe régulièrement un certain temps à la Banque Mondiale ou au Fonds Monétaire International, qui me font la faveur de me prêter un bureau pour la durée de mon séjour ce qui me permet de rencontrer de nombreux économistes qui travaillent sur les pays en voie de développement. Je pense ainsi à ceux qui étudient l’impact négatif des mariages précoces, la problématique des réfugiés, l’accès à l’eau potable en Afrique sub-saharienne ou encore la pauvreté chez les enfants. Outre les études qu’ils mènent, la plupart passent plusieurs mois par an dans les pays du Tiers Monde à l’occasion de ce qu’on appelle des missions. Ils ont une vie stressante et il semblerait que leur espérance de vie serait plus basse que celle de leurs équivalents travaillant pour l’Etat Fédéral à Washington. Certains de ces économistes sont extrêmement compétents et le montrent en publiant leurs travaux dans de bonnes revues scientifiques. Et pourtant à les entendre m’expliquer l’importance de leur action en particulier et celle plus générale de l’organisation qui les emploie, je ne peux m’empêcher de penser à ce cousin père blanc. Comme lui, ils sont habités par la certitude que notre façon de vivre et de penser est la seule bonne.


Loin de moi l’idée que leur action et leurs missions soient inutiles, voire nocives. Comme pour l’évangélisation, il y a à prendre et à laisser. A ma connaissance, il n’existe pas d’études empiriques permettant de prouver que la Banque Mondiale a eu un rôle déterminant sur la réduction de la pauvreté et des inégalités ou sur la croissance du revenu dans le monde. Pas plus qu’il n’existe d’études démontrant le rôle des diverses religions sur l’épanouissement spirituel des pays endoctrinés.

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